Interview Aliza Ben Noun

Le poste qu’elle occupe fait d’elle la femme la plus protégée de Paris. Forte d’une solide expérience diplomatique, Aliza Bin-Noun est ambassadrice d’Israël en France. Une fonction qu’elle occupe avec autorité mais aussi avec une fine connaissance des arcanes de la vie politique, économique et culturelle de l’Hexagone.

Le récent incident entre Israël, l’Iran et la Syrie inquiète l’opinion mondiale qui se demande s’il s’agit de faits ponctuels ou s’ils sont de nature à enflammer toute une région déjà déchirée…
Dès le début de la guerre civile en Syrie, on pouvait voir que la présence iranienne y était de plus en plus forte. Les Iraniens, qui se sont également renforcés en Irak, sous influence chiite; au Liban, avec la présence du Hezbollah et dans la bande de Gaza, à travers le Hamas. La stratégie des Iraniens au Moyen-Orient est très claire. Y compris avec une implication directe dans le conflit au Yémen. Même les conditions de l’application de l’accord sur le nucléaire iranien ont suscité des réserves de la part des États-Unis. Lorsqu’un drone iranien a survolé le territoire israélien, une ligne rouge a été franchie qui ne pouvait rester sans réponse. Mais Israël n’a aucune volonté d’ajouter une guerre dans la région. Vous remarquerez d’ailleurs que nos relations diplomatiques avec des pays comme l’Égypte et l’Arabie Saoudite vont en s’améliorant.

S’agissant des territoires occupés, l’opinion française et une bonne partie de l’opinion internationale s’interrogent sur l’hypothèse d’une situation pacifiée qui semble s’éloigner depuis l’assassinat d’Yitzhak Rabin.
La paix est dans l’intérêt d’Israël. Cette conviction nous a déjà incités à accepter des concessions territoriales, à l’égard de l’Égypte, dans le Sinaï. Mais cela s’est fait dans le cadre de négociations directes. Nous avons également cédé la bande de Gaza, et cela même hors du cadre des négociations. Aujourd’hui, Mahmoud Abbas, le président de l’autorité palestinienne, refuse le dialogue direct. De plus, dans le cadre international, à l’instar du Conseil des droits de l’homme qui siège à Genève, Israël est systématiquement critiqué en raison de l’influence des pays musulmans. C’est donc bien la légitimité même d’Israël qui est ainsi mise en cause. Malgré ce que je viens de décrire, tous les sondages menés auprès de la population israélienne traduisent une forte volonté d’aboutir à la paix. Nous vivons avec les Palestiniens. Encore faut-il nous parler. En tout cas, nous ne pouvons ignorer les problèmes de sécurité, ce que vous êtes à même de comprendre, en France, où vous êtes la cible d’attentats terroristes.

Pour autant, la présence d’Israël dans les territoires occupés, que vous qualifiez de territoires contestés, et la multiplication des implantations restent mal perçues par un pan important de l’opinion française et internationale…

Entre la création d’Israël, en 1948, et la guerre des Six jours, en 1967, il n’y avait pas de territoires occupés mais nous devions déjà affronter des attaques terroristes. Depuis, le gouvernement israélien a eu une politique d’implantations en Cisjordanie, où la présence du peuple juif est une vérité historique. Le sort des quelque 500.000 personnes qui vivent là ne peut être abordé que dans le cadre d’une négociation, à partir d’une vue d’ensemble de la région et de la place qui y revient à Israël. La préoccupation du Hamas semble être bien davantage de creuser des tunnels. De son côté, Israël a reçu, nourri et soigné plusieurs milliers de Syriens qui se sont présentés à sa frontière. Qui en parle ?

Le président Trump, notamment à travers sa décision d’installer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, a donné le sentiment que sa diplomatie allait monter d’un cran dans son soutien à Israël. Une telle décision, également perçue comme un chiffon rouge, vous rend-elle vraiment service ?
À nos yeux, Jérusalem est, depuis toujours, la capitale d’Israël. Mais ce qui est évident pour nous ne l’est apparemment pas pour tout le monde. La décision à laquelle vous faites référence est conforme à ce qu’a toujours été la politique américaine. L’annonce du président Trump n’en reste pas moins une étape très importante pour Israël, y compris comme base non négociable d’un dialogue avec les Palestiniens.

Dans le paysage diplomatique, tel qu’il est vu par Israël, quelle est la place de la France ?
Pour nous, la France est un pays clé, au sein de l’Union européenne et dans le monde. Nous partageons des valeurs communes et la France, dès les années 1950-1960, a contribué à la sécurité d’Israël. Elle est très impliquée dans ce qui se passe au Moyen-Orient et nous avons avec elle d’importants échanges économiques, culturels, technologiques, etc. De plus, la communauté juive en France est la plus nombreuse d’Europe.

Où en est l’économie israélienne ? Quels sont ses atouts et ses faiblesses ?
Israël a bien surmonté la crise économique mondiale de 2008. Le taux de croissance, depuis plusieurs années, y oscille entre 3 et 5 % et le chômage ne cesse de diminuer. Les performances de nos start-up sont un atout. Et notre gouvernement maintient son effort pour la recherche-développement (plus de 5 % du budget). Nos autres atouts tiennent au dynamisme de l’éducation, à notre culture, à notre esprit d’entreprise. Nombre de sociétés investissent en Israël. Renault l’a fait, il y a quelques mois, Orange aussi est présente. Le modèle de voiture autonome, conçue en Israël, a été racheté par Intel pour 15 millions de dollars. Nos faiblesses portent sans doute sur l’importance des écarts de revenus, ce qui se traduit par des problèmes sociaux auxquels nous sommes attentifs.

La saison France – Israël 2018
Innovation scientifique et créations artistiques seront au coeur des festivités, prévues dans les deux pays, de juin à novembre, dans le cadre de la saison France – Israël 2018.