C’est quoi être sioniste ?

C’est quoi être sioniste ?
20 février 2019 Pnina Aucun commentaire israel, sionisme
A cette question : c’est quoi être sioniste ? Nous sommes tombés sur une réponse fantastique et criante de vérité de Michael Klein, texte magnifique que nous vous invitions à partager !
Le sionisme est simplement l’application d’un souhait vieux de 3000 ans que chaque Juif dans le monde récite au moins une fois dans l’année : le jour de Pessah où est récitée cette prière : « l’an prochain à Jérusalem ».
Avant que cette prière ne soit appliquée au sein d’un mouvement né au XIXème siècle qu’est le sionisme, les Juifs ont toujours été bannis, chassés, expulsés, brûlés, convertis de force, spoliés, assassinés, emprisonnés, victimes de pogroms jusqu’à l’extermination de masse que l’on connaît tous malheureusement et qui s’est produit après la naissance de ce mouvement. Et cela, partout dans le monde, au sein de toutes les nations !! L’exil qu’a connut le peuple Juif faisait de lui des citoyens de nulle part parce qu’ils n’étaient jamais acceptés en tant que citoyens à part entière mais toujours pointés du doigt en tant que Juifs, coupables de tous les maux dans toutes les différentes sociétés durant les différentes époques ! Les Juifs n’ont jamais vécu en sécurité dans les nations et à chaque fois pour des raisons propres à chaque époque : accusés de sorcellerie, de cannibalisme, de rébellion, …. Bref de tout et de rien ! Parce que Juifs, ils ont toujours été victimes sans jamais avoir mérité et voulu ce statut ! Aujourd’hui en France, la haine du Juif se nomme « anti sionisme » et la politique de l’Etat Juif en serait la cause !! Il y a 400 ans, c’était la sorcellerie, aujourd’hui, c’est la politique menée par l’Etat Juif ! Donc, la critique de la politique de l’Etat Juif, de l’Etat d’Israel, touche, encore une fois, les Juifs en dehors d’Israel, en France, en Belgique, en Suisse, etc. Donc, au nom de cette critique de la politique israélienne, on a le droit de tuer, d’insulter, de frapper des Juifs partout dans le monde ! Et cette critique de l’Etat d’Israel s’appelle donc anti-sionisme… donc, insulter, frapper et assassiner des Juifs au nom de l’anti sionisme, c’est bien de l’antisémitisme !
Allons plus loin… que signifie être anti-sioniste ? Être contre la volonté du peuple Juif de vivre libre, en sécurité et de prendre son destin en main sur la terre dont il a été chassé à maintes reprises, qui a vu passer des dizaines de peuples et d’empires qui n’existent plus, qui était un désert sur lequel vivait des petits groupes de population musulmanes et chrétiennes qui ne voulaient pas d’un État car ils voulaient faire partie intégrante de la Syrie.
Est-ce être contre la volonté du peuple Juif de disposer de lui-même sur sa terre ? Pour quelles raisons ne pas vouloir que le peuple Juif, toujours victime parmi les nations, puisse vivre libre et en sécurité sur sa terre ?
Être anti-sioniste ce n’est pas s’élever contre la politique du gouvernement israélien car cette politique est menée en fonction de différentes situations liées à un conflit qui dure depuis presque 100 ans et que peu de personnes maîtrisent réellement ! Un conflit territorial lié à des traités internationaux bafoués non pas par les Juifs mais par les autres nations (traités de Sèvres et de Lausanne et charte de l’ONU, sans oublier le refus unilatéral arabe de la résolution 181 de l’AG de l’ONU qui bafouait l’article 95 du Traité de Sèvres) qui fait que ce conflit s’installe dans le temps faisant oublié sa base. Non, être anti-sioniste ce n’est pas s’élever contre la politique d’un État souverain qui respecte l’article 95 du traité de Sèvres repris dans le traité de Lausanne, l’alinéa 7 de l’article 2 du chapitre 1 ainsi que les articles 77 à 80 du chapitre 12 de la charte de l’ONU et donc le droit international que bafouent nombre de résolutions de l’AG et du CS de l’ONU. Être anti-sioniste, ce n’est pas s’élever contre la politique territoriale de cet État souverain au regard du Droit international ! Être anti-sioniste, ce n’est pas s’élever contre la politique de l’Etat d’Israel !

Être anti-sioniste, c’est refuser le droit inaliénable au peuple Juif de vivre en sécurité, en s’auto-déterminant, sur sa terre. Être anti-sioniste, c’est critiquer et s’élever contre les choix de l’Etat Juif. C’est même aller jusqu’à s’élever contre la création de cet État reconnu par l’ONU. C’est s’opposer à toute décision politique de cet État car c’est un État Juif.
Alors non, l’anti-sionisme ce n’est pas simplement une critique de la politique de l’Etat Juif. L’antisionisme c’est de l’antisémitisme qui prend sa source dans la critique de la politique de l’Etat Juif !

 

 

 

 

Antisémitisme : l’instrumentalisation de la Shoah n’a que trop duré

Par 

Barbara Lefebvre

Publié le 20/02/2019 à 15:56

Chapô

Professeur d’histoire et essayiste, Barbara Lefebvre juge très sévèrement les démonstrations d’émotions qui ont suivi l’agression d’Alain Finkielkraut. Selon elle, faute d’oser désigner, puis combattre, l’ennemi islamiste, politiques et associatifs contribuent à son inexorable croissance.

A quelques heures du raout politico-mondain annuel sobrement nommé « dîner du CRIF » où on ne manquera pas, entre deux selfies avec tel ministre ou tel people, d’invoquer « la peste brune » et le « ventre fécond dont est sortie la bête immonde », je veux dire mon écœurement. Mon écœurement devant l’instrumentalisation de l’histoire de la Shoah en particulier qui n’a que trop duré. Je le partage apparemment avec beaucoup d’autres Français, juifs ou non, dont la voix est assez inaudible ces derniers jours, sinon sur les réseaux sociaux, et qui d’ailleurs préfèrent se taire en public de peur d’être incompris.

J’avais déjà exprimé mon dégoût devant l’instrumentalisation de la mémoire des morts lors de l’entre-deux tours dans ces mêmes colonnes. Je suis restée indifférente aux tombereaux d’injures depuis cette date venant de ces notables communautaires que j’avais accusés de trahir cette mémoire qu’ils prétendent préserver, qu’ils sont payés pour préserver… Ils savent qu’avec Georges Bensoussan, Pierre-André Taguieff, Jacques Tarnero et d’autres, je n’ai aucune leçon à recevoir de leur part, eux qui vivent de la rente morale de la Shoah. Eux qui ont depuis longtemps perdu le contact, tant avec cette « communauté juive » qu’ils disent « représenter », qu’avec la réalité de l’antisémitisme criminel islamiste qu’ils dénoncent toujours en le suivant d’un « et en même temps le Front national… ». Cet oxymore illustre leur impuissance mais aussi leur intention de mettre docilement leurs pas dans ceux des gouvernants successifs qui ont dénoncé, manifesté, pleuré des larmes de crocodiles sur la ritournelle « la France sans les juifs n’est pas la France » mais n’ont jamais agi. 

Il faut moins de courage pour invoquer Hitler, Pétain, Laval que pour lutter contre les antisémites vivants, en chair et en os !

Car au lieu de discourir sur l’antisémitisme, il faudrait agir contre les antisémites. Il faut moins de courage pour invoquer Hitler, Pétain, Laval que pour lutter contre les antisémites vivants, en chair et en os ! Ceux qui montrent leur visage haineux comme les agresseurs d’Alain Finkielkraut identifiés mais qui n’ont pas été inquiétés par les forces de l’ordre présentes, qu’on a laissé « manifester » paisiblement ensuite comme pour valider leur parasitage du mouvement social en cours. Il faut moins de courage à nos élus pour subventionner des associations Bisounours qui, dans les écoles, animent des ateliers « l’antiracisme pour les nuls », que pour lutter contre ceux dont les mains frappent ou tuent des Français juifs en chair et en os eux aussi, ceux qui organisent des manifestations autorisées par le préfet de police pour la cause palestinienne en criant « Khaybar Khaybar ya yahoud, Jaych Mhammad saoufa yahoud » c’est-à-dire un appel à tuer les juifs comme le fit le prophète Mohamed avec ceux de Khaybar. En 628, cette bataille inaugurale de l’islam comme système politico-religieux vit l’extermination des hommes et jeunes garçons juifs de cet oasis aux alentours de Médine qui refusaient la conversion. Les femmes violées et enfants juifs furent réduits en esclavage. Place de la République le 9 décembre 2017, là où hier s’est tenue la manifestation contre l’antisémitisme, ce sont ces appels au meurtre des Juifs qu’on a entendu. Dans l’imaginaire islamiste, les juifs sont de toute éternité les juifs de Khaybar à massacrer, les falsificateurs de la parole divine, les usurpateurs de la terre islamique s’agissant d’Israël. C’est cela que nombre d’imams salafistes prêchent dans les nombreuses mosquées françaises où ils répandent leur idéologie criminelle et que le gouvernement actuel n’expulsent ni ne ferment pas. 

La Shoah n’est pas un symbole qu’on mobilise pour des manœuvres politiciennes, un chiffon rouge qu’on agite pour faire triompher la moraline.

Ces antisémites-là on ne les arrête pas, on ne les condamne pas. Et quand ils tuent, on les psychiatrise, à l’instar de l’assassin de Sarah Halimi. Lors de la marche pour Sarah Halimi à Belleville du 9 avril 2017, à peine un millier de personnes s’était déplacé, « la communauté juive » pour l’essentiel. Où étaient les belles âmes politiques que nous avons vues hier ? Aucun des candidats à l’élection ne s’exprima sur ce crime antisémite d’une barbarie sans nom. En revanche, durant l’entre-deux-tour, le candidat Emmanuel Macron crut utile de venir passer quelques heures au mémorial de la Shoah où on lui fit – déjà – les honneurs de la visite. Et hier, voilà que ça recommence : les mines déconfites, la gerbe de fleurs dans la crypte du souvenir, la haie d’honneur dans les escaliers pour serrer les mains… Mais qu’est-ce que les tags antisémites dont on n’a pas identifié les auteurs et surtout l’agression d’Alain Finkielkraut ont à voir avec la mémoire des morts de la Shoah ? La Shoah n’est pas un symbole qu’on mobilise pour des manœuvres politiciennes, un chiffon rouge qu’on agite pour faire triompher la moraline. C’est une histoire : celle de l’extermination des juifs d’Europe. C’est aussi la préservation de la dignité de la mémoire des morts dont l’immense majorité n’a pas de sépulture. 

La mise en scène dans la crypte du souvenir a une fois encore illustré l’indécence de cet usage lacrymal de l’histoire du génocide des juifs d’Europe. Cette théâtralisation de la compassion, à quoi sert-elle ? Elle n’a empêché, depuis plus de vingt ans, ni les agressions et crimes antijuifs de se multiplier en France, ni surtout de l’accélération de la convergence  mortifère des antisémitismes. Cette convergence est antijuive, mais elle est aussi  antifrançaise. La haine des juifs, dénommés « sionistes » comme l’a illustré l’agression contre Alain Finkielkraut, est une haine anti-française car anti-assimiliationiste ; nous l’avions déjà démontré dans les Territoires perdus de la République et Pierre-André Taguieff dans La nouvelle judéophobie dès 2002 ! Il faut que le Français juif soit sorti de la communauté nationale pour redevenir un dhimmi, un soumis qui vit dans son ghetto. Ce grand agglomérat identitaire veut une France des tribus, une France des communautés. C’est le projet de cette alliance des haines antijuives : les indigénistes, les islamo-gauchistes, les identitaires soraliens, les groupuscules d’extrême-droite rivaroliens. Ce marigot a fusionné dans le Parti Antisioniste de Soral et Dieudonné crée pour les Européennes de 2009 et qui servit encore en 2012 à Dieudonné aux législatives. En vain pour l’instant. 

La marque « Le Pen » sert d’alibi depuis des décennies pour ne pas agir, elle sert aussi à disqualifier les critiques sur l’absence de véritable politique de lutte contre les antisémites. Marine Le Pen en joue en se victimisant. Opération nulle donc, mais la « génération morale » antiraciste années 1980-1990 continue, comme on l’a encore vu hier, parce qu’elle n’a que ce logiciel en tête. Le disque est rayé depuis « Touche pas à mon pote » mais ce n’est pas grave, on le joue quand même. Pendant ce temps, la coalition des haines islamo-gauchiste / ultra-droite soralienne / indigéniste bouteldja-dieudoniste, gagne des pans entiers de la jeunesse française, gangrène les universités, envahit les réseaux sociaux, noyaute les Gilets jaunes. Et ce gouvernement comme ses prédécesseurs laisse faire. Il laisse la vraie « bête immonde » grandir, puis rend hommage aux morts quand elle est sortie de sa cage et a commis ses forfaits. 

Jusqu’à quand les Français vont-ils tolérer ce petit jeu mortifère pour la nation ? Jusqu’à quand les privilégiés à l’abri du danger vont-ils  user de leur pouvoir pour faire taire les « gens qui ne sont rien » mais qui subissent ? Les Français juifs, ceux d’en bas, crient dans le désert depuis plus de quinze ans. Certains émigrent car ils imaginent que la France, qu’ils chérissent, n’est plus en capacité de protéger leurs enfants. Certains s’enferment dans des quartiers où ils vivent « entre soi », le rêve des indigéno-soraliens : le juif du ghetto, à la merci du maître ! Peut-être est-ce aussi le rêve de nos dirigeants qui espèrent mieux tenir le pays quand il sera découpé en parts de marché communautariste ? Ceux des notables « communautaires » qui jouent ce jeu-là sont complices des antisémites qui veulent la mort de la nation française. 

Les millions de Français chez qui la colère gronde, chaque année davantage, pourraient décider de prendre leur destin en main et la vague de violence qui en sortirait, serait terrible.

Ce que vivent quelques centaines de milliers de Français juifs « d’en bas » dans une dizaine de départements français, c’est ce que vivront des millions de Français « d’en bas » dans quelques années si la répression policière, judiciaire, politique n’est pas rapide et ciblée. Les lois sont là, pas besoin d’en voter de nouvelles pour enfumer l’opinion. Agissez ! Car les Français n’auront peut-être pas la loyauté légitimiste des Français juifs que leur histoire diasporique a rendus autant dociles que souples face à l’adversité. Les millions de Français chez qui la colère gronde, chaque année davantage, pourraient décider de prendre leur destin en main et la vague de violence qui en sortirait, serait terrible. Il faut donc que cesse les démonstrations lacrymales et les invocations fallacieuses de l’histoire (« années 30 », « peste brune » etc.) pour se concentrer sur l’action ici et maintenant. Une action répressive, sans ambigüité, sans  « et en même temps ». Ce ne sera pas « défendre les juifs », ce sera défendre la France qui n’a qu’un peuple. 

 

Barbara LEFEBVRE

 

 

 

 

 

 

La Lettre du rabbin Daniel Farhi : ils ont osé

 

 

 

 

 

La Lettre du rabbin Daniel Farhi : ils ont osé

 

Shabbath Shalom שבת שלום !

J’interrompe momentanément cette semaine mes souvenirs d’enfance « De mon temps… » pour me pencher sur une actualité inquiétante, tant en France que dans le reste du monde. Je veux parler de ce que l’on est convenu d’appeler la « résurgence » de l’antisémitisme, la bien nommée puisque cette expression signifie que le phénomène n’avait pas complètement disparu, mais qu’il réapparaît, plus vivant que jamais, alimenté simultanément par ses composantes traditionnelles qui, jusqu’ici, s’étaient succédées dans le temps de l’histoire. 

Il me plaît de rappeler à ce sujet, pour égayer un moment mon propos, une autre résurgence célèbre qu’on enseignait de mon temps (!) en géographie, celle de la Loue, rivière de 122 kms traversant les départements du Jura et du Doubs. On ne découvrit qu’en 1901, à l’occasion d’un incendie de la distillerie Pernod de Pontarlier qui obligea les pompiers à déverser dans un puits 600.000 litres d’absinthe (hautement inflammable), qu’une des sources de la Loue provenait du Doubs après un long passage souterrain, car trois jours après cette opération, les eaux de la rivière étaient colorées du jaune de l’absinthe !

Résurgence donc de l’antisémitisme sous des formes particulièrement répugnantes car porteuses des pires clichés véhiculés à travers les siècles à l’encontre des Juifs. Un antisémitisme qui s’affiche désormais sans vergogne et sans qu’apparemment on ne puisse lui opposer de résistance. Situation paradoxale où jamais la législation ni les pouvoirs publics n’ont été aussi répressifs en la matière. Et pourtant, les vieux poncifs réapparaissent au grand jour, évocateurs de sinistres souvenirs. Les auteurs de ces profanations mémorielles savent parfaitement où toucher nos consciences blessées.

Je n’ai voulu retenir que trois de ces actes qui viennent tout récemment d’empester l’actualité sociale rendant inaudibles des revendications portées par des hommes et des femmes qui n’en sont pas directement responsables, mais dont le mouvement a pu libérer certains vieux démons. Ces trois actes sont : la destruction de deux arbres plantés à Sainte-Geneviève-des Bois, là où le corps agonisant d’Ilan Halimi a été découvert le 13 février 2006 après 24 jours de martyre ; des croix gammées sur les portraits d’artiste de Simone Veil ornant deux boîtes aux lettres dans le 13ème arrondissement de Paris ; enfin l’inscription juden sur la vitrine d’un établissement de restauration de bagels. Trois actes qui sont autant de symboles et qui surviennent dans un contexte, tant français qu’international, alarmant.

Des arbres plantés à la mémoire d’Ilan Halimi ont été sectionnés. (photo Florian Loisy)

Ilan Halimi, 23 ans, enlevé le 21 janvier 2006, séquestré et torturé dans un local d’une HLM de Bagneux (Hauts-de-Seine) par le « gang des barbares » comme s’intitulaient eux-mêmes une vingtaine de jeunes sous l’autorité de Youssouf Fofana. Le but de ces enlèvement et séquestration était d’obtenir une rançon de la famille d’Ilan censée être riche puisque juive. Les faits sont horribles ; l’opinion publique en fut bouleversée ; le procès qui s’en suivit condamna les différents coupables à de lourdes peines. Ilan Halimi fut inhumé en Israël comme, depuis, d’autres victimes juives de la barbarie antisémite. Une plaque fut apposée au cimetière de Bagneux à sa mémoire. De nombreux lieux publics lui furent dédiés. Cette plaque et nombre de celles marquant et fustigeant ce crime antisémite furent régulièrement taguées et remises en état par les municipalités concernées. Cette semaine, à un jour du treizième anniversaire de la mort d’Ilan Halimi (13 février 2006), des inconnus s’en sont pris à un symbole émouvant autant que fort qu’avait imaginé la mairie de Sainte-Geneviève-des-Bois en plantant dès 2006 un premier arbre à sa mémoire, puis en 2016, pour le dixième anniversaire du crime, un deuxième arbre. Si l’on songe qu’en hébreu ilan signifie arbre, c’était là une magnifique façon, à la fois de perpétuer la mémoire du jeune homme, et de lancer vers les générations à venir un signal d’espérance. Ce sont ces deux arbres qui ont été sectionnés en même temps que disparaissait le portrait d’Ilan Halimi qui y était suspendu.

Capture d’écran Twitter

Deuxième symbole puissant auquel s’en est prise la haine antisémite ces jours-ci : des croix gammées tracées sur deux boîtes aux lettres de Paris ornées du portrait de Simone Veil réalisé par un artiste en street art, Christian Guémy. Simone Veil, c’est avant tout le symbole de la déportation des Juifs (dont elle fut avec les siens) entré au Panthéon l’an dernier. Par ce geste, l’auteur de ces croix gammées ne se révèle pas seulement un de ces trop nombreux vandales qui s’en sont pris depuis quelques semaines à des symboles de la République, mais à un véritable antisémite, sans doute l’un de ceux qui regrettent qu’hitler n’ait « pas fini le travail ».

Troisième symbole insupportable : une inscription, parmi d’autres, à la peinture jaune (la couleur n’est pas innocente) – JUDEN – sur une vitrine faisant commerce de bagels dont chacun sait que c’est une spécialité juive (délicieuse surtout au pickel). Bien sûr, comment ne pas penser aux devantures de magasins juifs en Allemagne après la promulgation des lois de Nuremberg en 1935 (photo ci-contre) ? Là encore, comme dans le cas précédent, la référence à la Shoah est évidente, tant par le choix de la langue utilisée que la couleur de l’inscription.

Vous le savez bien, j’aurais pu multiplier pas dix les exemples que je viens de citer, révélateurs s’il en était encore besoin de cette résurgence qui, contrairement à celle si gracieuse de la Loue, n’a rien de bucolique. C’est au contraire celle d’un sentiment aussi vieux que le monde, recuit et ressassé, décliné en autant de versions qu’il en compte de représentants à travers l’histoire et la géographie des hommes.

Nous savons aussi que cet antisémitisme qui marche à visage découvert est réapparu dans d’autres pays à travers l’Europe et le monde. Si, en France, les actes antisémites ont augmenté de 75% en 2018 par rapport à 2017, nos voisins allemands constatent une même courbe ascendante de 10% avec 1646 actes en 2018. En Angleterre, nous savons combien l’antisémitisme/antisionisme s’est infiltré au cœur et jusqu’à la tête du parti travailliste. Certes, les actes y sont moins nombreux que de ce côté de la Manche, mais les propos et les manifestations y sont d’une extrême violence. Les Etats-Unis et le Canada ne sont pas épargnés non plus, eux qui, pourtant, ne connaissaient pratiquement pas cette forme de haine. Sans parler bien sûr des pays arabes où les Protocoles des sages de Sion font florès et alimentent la croyance en un complot juif mondial. Il n’est pas jusqu’à des pays sans presqu’aucun Juif qui ne se nourrissent d’un antisémitisme virulent comme le Japon.

Disons-le clairement : l’antisémitisme actuel tue moins que ses composantes anciennes où se mêlaient un antijudaïsme culturel (Grecs, Romains), un antijudaïsme chrétien, économique (en grande partie lié au précédent, certaines professions d’argent étant seules permises aux Juifs), un antisémitisme raciste « scientifique » au XIXème siècle (des théories sur l’inégalité des “races” humaines rendent les Juifs inassimilables et menaçants pour l’ordre et la société) ; l’antisémitisme biologique nazi (le Juif est le corrupteur de la nation, porteur de maladies. Hitler veut préserver la race aryenne du « métissage et de la contagion ») ; la « judéophobie », thèse de Pierre-André Taguieff, une nouvelle vague d’antisémitisme entre la défense de la cause palestinienne et l’antisionisme, ravivé par le conflit au Proche Orient, certains faisant l’amalgame entre Juifs, sionistes et Israéliens. L’antisémitisme actuel, peu ou prou héritier de ces diverses vagues d’aversion vis-à-vis des Juifs, s’il a pu être corrigé, notamment par l’Eglise depuis Vatican II (1962-1965), reste vivace et tel certaines bactéries présentes en permanence dans l’organisme, comme le staphylocoque doré, n’a besoin que d’une occasion pour éclater. La fonction de bouc émissaire du peuple juif dans les moments de crise se vérifie invariablement au cours des siècles.

Aujourd’hui, disais-je, cet antisémitisme tue moins que jadis, mais il entretient pour ses victimes un sentiment d’insécurité et de rejet de la société peu propice à une bonne intégration, et ce bien que les Juifs se soient toujours montrés loyaux et reconnaissants envers leur entourage dans tous les pays qui les ont accueillis. Je pense à cette histoire d’un Juif qui s’adresse à une agence de voyages pour trouver un pays où il pourra vivre en toute tranquillité. L’agent, se plantant devant une grande mappemonde, lui vante les mérites de tel pays, puis de tel autre ; à chaque fois le Juif objecte qu’il y règne de l’antisémitisme. Finalement, il demande au voyagiste : n’auriez-vous pas un autre globe terrestre ?

C’est ce sentiment d’être des étrangers partout qui nous saisit au moment où nous assistons, impuissants, à cette résurgence cyclique de la « bête immonde ». Malgré les déclarations qui se veulent rassurantes de la part de la classe politique, tous partis confondus ou presque, nous ressentons une immense amertume et une non moins grande inquiétude pour nos enfants et petits-enfants. « Une France sans ses Juifs ne serait plus la France » avait lancé Manuel Valls, Premier Ministre, à l’Assemblée Nationale, et ce cri du cœur nous avait fait du bien. Mais nos concitoyens se sont-ils jamais demandé ce que seraient les Français de confession juive sans la France ? Notre sort a toujours été lié très étroitement et viscéralement à celui de ce beau pays, patrie des Droits de l’Homme. Nous ne voulons ni le quitter, ni que certains en salissent l’image noble et haute que nous en avons. Nous sommes Français et Juifs, fiers de l’une et l’autre appartenance. Nous dénions aux auteurs des actes antisémites répugnants de ces dernières semaines le droit de se réclamer d’une France dont ils salissent l’honneur.

Shabbath shalom à tous et à chacun,

Daniel Farhi.