«Yassine Belattar mis en examen, ou la face sombre du conseil présidentiel des villes»

«Yassine Belattar mis en examen, ou la face sombre du conseil présidentiel des villes»

  • Par  Barbara Lefebvre
  • Publié le 29/03/2019 à 18:49

 

FIGAROVOX/TRIBUNE – L’humoriste Yassine Belattar, qu’Emmanuel Macron avait nommé au conseil présidentiel des villes en 2018, est mis en examen pour harcèlement moral et menaces de mort. Barbara Lefebvre y voit le symptôme de l’ambiguïté des politiques des banlieues.

Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste, est l’auteur de Génération j’ai le droit, (éd. Albin Michel, 2018).

Après des mois de rumeurs qu’il qualifiait de ragots, deux plaintes, l’une de Bruno Gaccio et l’autre de Jessie Claire, ont fini par conduire Yassine Belattar à devoir assumer ses actes, ses propos, ses gestes devant la justice de son pays. Après 48 heures de garde à vue, celui qui se définit comme un humoriste, mais que d’autres considèrent comme un militant de la sphère décoloniale et indigéniste, est mis en examen. Ont été retenues contre lui des incriminations qui ne sont pas anodines: menaces de mort, menaces de crimes réitérées, envois répétés de menaces malveillantes et harcèlement moral. Il est libre sous contrôle judiciaire, bénéficiant de la présomption d’innocence. Désormais, ce sera à la justice d’instruire, à charge et à décharge, puis de trancher.

Belattar ne laisse personne indifférent. Lire la suite

Robert Badinter, une voix contre l’antisémitisme

Robert Badinter, une voix contre l’antisémitisme
Alors que la France est frappée par une recrudescence d’actes antisémites, l’ancien garde des Sceaux, qui se tenait à l’écart des médias depuis la parution d’« Idiss », hommage à sa grand-mère juive, sort du silence.
Propos recueillis par Saïd Mahrane

Son émotivité est toujours là, intense, la colère étant sa première manifestation. Du murmure aux grondements, sa voix semble jaillir des profondeurs, où se rassemblent les souvenirs d’un vieux monsieur qui, enfant, a connu l’Occupation et vu de près ses horreurs. Il ne change pas, Robert Badinter, car il est des combats qui jamais ne cessent, et celui contre l’antisémitisme est de ceux-là. Aucune loi ne viendra à bout de la haine. L’ancien ministre de la Justice ne s’imaginait pas, en 2019, devoir évoquer le drame de Français juifs assassinés, d’autres contraints de quitter leur quartier, ou devoir commenter des caricatures visibles sur les réseaux sociaux et les « Rothschild » scandés lors de manifestations… Nous en sommes encore là. L’auteur d’« Idiss »*, un livre dédié à sa grand-mère, a tonné, ses yeux par moments se sont mouillés. Il ne se fait pas d’illusions. C’est pourquoi son message, il veut l’adresser aux jeunes générations.
Le Point : Que vous inspirent les récents actes antisémites que nous avons connus en France, en augmentation de 74 % en 2018 ? Lire la suite

La militante laïque Céline Pina est la cible de la médiatique activiste « décoloniale » Rokhaya Diallo et de l’association musulmane « féministe » Lallab. Son crime: être en désaccord avec elles, et avoir osé le dire.

La militante laïque Céline Pina est la cible de la médiatique activiste « décoloniale » Rokhaya Diallo et de l’association musulmane « féministe » Lallab. Son crime: être en désaccord avec elles, et avoir osé le dire.
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Céline Pina, militante républicaine universaliste et laïque, est en butte à d’odieuses accusations de la part de Rokhaya Diallo et de l’association Lallab. Au lieu d’essayer de répondre à ses arguments, ses ennemis préfèrent essayer de la faire taire en instrumentalisant les tribunaux et d’abuser des droits que la République leur donne pour tenter d’en saper les fondements même.
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Face aux attaques, et après un moment de doute bien compréhensible, Céline Pina a fort heureusement trouvé la force de poursuivre la lutte, grâce à des soutiens spontanés qui prouvent, si besoin était, qu’il est encore permis d’espérer.
« Ce type de militant soi-disant antiraciste instaure un système de lecture de la société où la couleur de peau l’emporte sur tout »
Tout ceci est évidemment une excellente raison de lire ou relire les écrits incriminés, par ailleurs des plus instructifs : « Lutter contre la radicalisation, cela commence par refuser subvention et légitimité à des associations qui ne respectent pas l’esprit de nos lois et de la constitution », écrit-elle fort justement, dénonçant Lallab en s’appuyant sur un dossier d’Ikhwan Info, site généralement bien documenté, et que confirme d’ailleurs une analyse très fouillée de l’excellent Naëm Bestandji.
Par ailleurs, Céline Pina écrit aussi avec bon sens au sujet de Rokhaya Diallo que « ce type de militant soi-disant antiraciste instaure un système de lecture de la société où la couleur de peau l’emporte sur tout » et souligne le paradoxe qui veut que cette activiste « accuse (la France) de favoriser le ‘racisme d’État’, y compris dans les institutions internationales. Elle y a pourtant trouvé sa place et une reconnaissance que sa production littéraire ou audiovisuelle ne suffit pas à justifier. Tant mieux pour elle après tout, mais il n’en reste pas moins que l’intéressée illustre ainsi par son propre exemple, la fausseté de ce qu’elle fait métier de dénoncer. » On ne saurait mieux dire.
« Notre époque qui se veut si tolérante a du mal avec l’anticonformisme. »
C’est en 2015 que Céline Pina a acquis une notoriété nationale, lorsqu’elle a eu la lucidité et le courage de dénoncer le « salon de la femme musulmane de Pontoise », ce qui lui avait déjà valu les foudres d’une partie de la gauche, et avait mis en lumière les fractures profondes qui parcourent cette tendance politique, et que l’affaire du hijab de Décathlon par exemple n’a fait que confirmer.
Depuis, elle agit, réfléchit et écrit avec un souci constant de la nuance et de l’honnêteté intellectuelle. J’en veux pour preuve son texte sur François-Xavier Bellamy, en qui elle sait voir un adversaire politique tout en refusant la tentation de la caricature facile. Elle y fait même le constat tristement exact d’une dangereuse tendance, contre laquelle elle s’efforce de lutter : « L’exagération et le lancement d’anathèmes se sont substitués au débat. Il faut disqualifier l’adversaire plutôt qu’accepter de l’affronter loyalement. Le mensonge prime sur l’affrontement d’idées faisant au passage une victime essentielle : le sens de l’action et la confiance dans la parole publique. »
Même souci de l’humain et même rigueur lorsqu’elle défend Bilal Hassani, sans nier ses erreurs mais en leur redonnant une plus juste proportion tout en soulignant les dérives globales de l’ambiance médiatique : « Mettre en avant son particularisme est plébiscité, mais le faire dans un cadre communautaire voire communautariste est recommandé. (…) Notre époque qui se veut si tolérante a du mal avec l’anticonformisme. Elle aime les représentants communautaires, pas les promeneurs solitaires. »
Dernière victime du « djihad judiciaire »
Femme de gauche, certains ont pu lui reprocher cette appartenance à une famille politique trop longtemps aveugle devant la montée des communautarismes et de l’islamisme. C’est lui faire un mauvais procès, et se tromper de priorités : oui, les lanceurs d’alerte de droite ont d’excellentes raisons d’en vouloir à la gauche, mais face à ce qui menace aujourd’hui l’essence même de la République, il est temps que les républicains de tous bords oublient les vieilles querelles et se serrent les coudes.
Et justement. S’il ne s’agissait que de Céline Pina, cela vaudrait déjà la peine de se battre pour la défendre : c’est un devoir moral, et elle le mérite. Mais il s’agit de bien plus : c’est la liberté d’expression elle-même qui est menacée, attaquée une fois de plus par les ennemis de l’universalisme républicain humaniste, et les tenants du relativisme au détriment de l’éthique et de la vérité. Après Georges Bensoussan, Mohamed Louizi, Olivier Pétré-Grenouilleau, Pascal Bruckner, Jeannette Bougrab, Gilles Clavreul, Véronique Corazza…
On parle parfois de « djihad judiciaire », mais les islamistes ne sont pas seuls à utiliser cette méthode – même s’ils s’y complaisent -, attitude que Yadh Ben Achour dénonce d’une formule : « Donne-moi la liberté que je la tue. » En l’occurrence, je ne crois pas que Rokhaya Diallo soit islamiste, même si un commun rejet de l’Occident la conduit à avoir envers eux des complaisances douteuses.
Le sujet n’est pas ici de défendre le fond des analyses de Céline Pina. Nous avons d’ailleurs nos désaccords, même si je la rejoins sur l’essentiel. J’ai surtout la certitude de la profonde rigueur éthique et intellectuelle de sa démarche, critère qui devrait suffire à lui assurer le soutien de tous les véritables tenants de la démocratie d’opinion.
Rokhaya Diallo et Lallab, bonnet banc et blanc bonnet
J’ai aussi de très fortes suspicions à l’encontre de ses accusateurs. Je ne suis pas juriste, mais il me semble que l’emploi régulier de l’adjectif à connotation ethnique « blanc » dans un sens systématiquement dépréciatif pourrait bien constituer une infraction pénale. Rokhaya Diallo et les membres de Lallab feraient bien d’y réfléchir… Je connais leur esquive selon laquelle le terme de « blanc » serait employé pour désigner une construction sociale, et non une réalité ethnique. L’argument est spécieux. Si c’était vrai, ce n’est pas le mot « blanc » qui aurait été choisi par les tenants de l’idéologie « décoloniale » ou « indigéniste », mais plutôt un terme porteur de connotations culturelles et/ou civilisationnelles, et non ethniques : « occidental » ou « judéo-chrétien », par exemple. Racialisme aux forts relents racistes, analysé et dénoncé entre autres par le sociologue Manuel Boucher, et par Gilles Clavreul, alors délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Rokhaya Diallo se veut militante antiraciste, mais ne comprend manifestement pas ce qu’est le racisme, comme je pense l’avoir démontré. Lallab prétend donner la parole aux femmes musulmanes, mais leur refuse toute conviction individuelle pour les enfermer dans une vision particulière de l’islam, selon laquelle la « femme musulmane » serait nécessairement pro-voile, et nécessairement étrangère au « féminisme blanc ». Dans les deux cas, les assignations identitaires sont aussi odieuses que caricaturales, négations en règle du libre-arbitre comme de cet indéfinissable « quelque chose » qui fait notre commune humanité, que Confucius appelait « ren »1,, et Plutarque « désir du Bien ». Soyons reconnaissants à Céline Pina de dénoncer l’imposture !
Céline Pina, elle, accepte le débat
Mais imaginons même qu’elle ait tort. Ses écrits ne sont pas des injures lancées à la cantonade, mais des critiques structurées et argumentées. De plus, et c’est fondamental, leur auteur est systématiquement ouverte au débat et désireuse d’entendre les arguments des parties adverses. Elle est de ceux qui reconnaîtront volontiers s’être trompés si on leur en apporte honnêtement la preuve, la vérité étant plus importante à ses yeux que son ego. Et rien que cela suffit à démontrer qu’il ne saurait être question de considérer ses textes comme de la diffamation : elle se prononce en toute bonne foi sur des sujets qu’elle a documentés au mieux de ses possibilités, analysés avec méthode et exposés dans le but on ne peut plus légitime d’alerter sur des manœuvres dangereuses pour le pacte républicain et la pérennité de notre pays.
Condamner Céline Pina, ce serait mettre en danger tous les lanceurs d’alerte, et encourager toutes ces idéologies qui se voudraient au-dessus de la critique, et qui sont donc justement celles qu’il faut critiquer en priorité. Ce serait un pas vers la mort du débat d’idées, qui n’est réel que s’il est libre : rappelons que l’on ne peut réfuter une idée que si ceux qui la défendent ont la possibilité de l’exprimer. Quelqu’un ne peut donc comprendre qu’il a tort que s’il a la possibilité de dire ce qu’il pense, et d’en discuter en toute franchise avec des personnes ayant des avis différents, sans crainte de la censure. Sans cette opportunité de rencontre, et même de franche empoignade intellectuelle, chacun ne peut que se renfermer sur ses certitudes, de plus en plus dogmatiques et de plus en plus caricaturales.
Adversaires contre ennemis
En ce moment même, certains tentent d’instrumentaliser le monstrueux attentat de Christchurch pour rétablir le délit de blasphème, ce qui revient d’ailleurs à cracher sur les tombes des victimes en essayant de livrer en bloc les musulmans aux islamistes. Dans un tel contexte, condamner Céline Pina, ce serait poignarder dans le dos ceux qu’elle défend depuis des années, et ceux qui partagent l’essentiel de ses combats. La condamner, ce serait affaiblir les humanistes du monde arabo-musulman, comme Kamel Daoud, les véritables féministes, comme Anna Muzychuk, Denis Mukwege et des centaines d’Algériennes anonymes, les vrais antiracistes, comme Marceline Loridan Ivens, les tenants d’une gauche authentiquement républicaine, comme Zineb El Rhazoui, les défenseurs de la laïcité, dans la lignée d’Élisabeth Badinter ou aujourd’hui de Lydia Guirous.
Hélas ! Si Céline Pina voit ses adversaires intellectuels comme des adversaires, eux se comportent en ennemis, et n’ont manifestement pas la même éthique qu’elle. Difficile de croire que leurs plaintes soient motivées par un quelconque souci de vérité, mais bien plutôt par la volonté de faire taire une voix qui oppose des arguments efficaces à leurs idéologies malsaines.
« Ne craignez jamais de vous faire des ennemis… »
Sans doute n’espèrent-ils même pas vraiment gagner leurs procès. C’est une guerre d’usure et d’attrition, insidieuse, obscure, et qui ne se limite pas à la France. Une guerre déclarée par des idéologies gavées de subventions – mais se voulant hostiles à ceux-là même qui les leur payent – qui s’en prennent à des individus simplement soucieux de vérité, et souvent bénévoles : Céline Pina, elle, n’a qu’une cagnotte spontanée sur Leetchi pour l’aider. Sa dignité et son combat m’évoquent irrépressiblement trois grands hommes d’Etat, au sens le plus noble du terme. Clémenceau, non pour certaines décisions discutables face aux grèves et redevenues d’actualité, mais pour sa célèbre phrase : « Ne craignez jamais de vous faire des ennemis, si vous n’en avez pas, c’est que vous n’avez rien fait. » Churchill, qui lui aussi connut la solitude et le doute, et sût finalement trouver les soutiens nécessaires et la force de tenir bon. Et Périclès, figure tutélaire de toute démocratie, dont les paroles résonnent aujourd’hui avec une intense acuité : « Il n’y a pas de bonheur sans liberté, il n’y a pas de liberté sans courage. »
En 2016, Céline Pina a publié un livre – cri du cœur : Silence coupable, Islamistes : ils ne sont grands que parce que nos élites sont à genoux. Peu importe aujourd’hui que nous fassions ou non partie de ce que l’on appelle « élites ». Comme citoyens, comme hommes et comme femmes, nous devons maintenant faire un choix. Alors que cette femme courageuse est attaquée par des ennemis déclarés de l’humanisme républicain, nous pouvons nous agenouiller devant eux dans un silence coupable. Ou nous pouvons décider de nous tenir debout à ses côtés à elle, dans la dignité et la liberté. Pour la dignité et la liberté.