«Yassine Belattar mis en examen, ou la face sombre du conseil présidentiel des villes»

«Yassine Belattar mis en examen, ou la face sombre du conseil présidentiel des villes»

  • Par  Barbara Lefebvre
  • Publié le 29/03/2019 à 18:49

 

FIGAROVOX/TRIBUNE – L’humoriste Yassine Belattar, qu’Emmanuel Macron avait nommé au conseil présidentiel des villes en 2018, est mis en examen pour harcèlement moral et menaces de mort. Barbara Lefebvre y voit le symptôme de l’ambiguïté des politiques des banlieues.

Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste, est l’auteur de Génération j’ai le droit, (éd. Albin Michel, 2018).

Après des mois de rumeurs qu’il qualifiait de ragots, deux plaintes, l’une de Bruno Gaccio et l’autre de Jessie Claire, ont fini par conduire Yassine Belattar à devoir assumer ses actes, ses propos, ses gestes devant la justice de son pays. Après 48 heures de garde à vue, celui qui se définit comme un humoriste, mais que d’autres considèrent comme un militant de la sphère décoloniale et indigéniste, est mis en examen. Ont été retenues contre lui des incriminations qui ne sont pas anodines: menaces de mort, menaces de crimes réitérées, envois répétés de menaces malveillantes et harcèlement moral. Il est libre sous contrôle judiciaire, bénéficiant de la présomption d’innocence. Désormais, ce sera à la justice d’instruire, à charge et à décharge, puis de trancher.

Belattar ne laisse personne indifférent.

Belattar ne laisse personne indifférent. Il clive. On l’adore ou on le déteste. Ce n’est pas un tiède, un homme du juste milieu. Ses défenseurs comme ses adversaires ne sont pas non plus des tièdes. En cela, Belattar est bien de son temps: pensée binaire tempérée par des oxymores affligeants, phrases choc, recherche perpétuelle du buzz pour occuper l’espace. Mais quand ça se corse, on minimise. Aux journalistes de Médiapart qui enquêtaient sur les «rumeurs» le concernant depuis fin 2017, il confirmait avoir menacé des gens ; impossible à démentir puisqu’il laissait des messages vocaux ou envoyait des quantités de textos que ses victimes conservèrent. «Mais se défendait Belattar, je ne suis jamais passé à l’acte». Retournement d’argument éclairant sur l’honnêteté intellectuelle de celui qui accuse publiquement des intellectuels et des journalistes français d’inspirer par leurs écrits, par leurs mots, le meurtrier de Christchurch. Est-on un criminel par procuration quand on critique et décrit les mécanismes de la progression de l’islam politique en France, étant entendu que décrire un phénomène totalitaire porté par une minorité tyrannique ne vaut pas appel au meurtre de tous les musulmans? Pour Belattar, condamner les islamistes c’est être complices de Brendon Tarrant. En revanche quand lui promet à un confrère de le tuer, lui et toute sa famille, ce n’est pas grave puisqu’il n’est pas passé à l’acte, ce ne sont que des mots!

Yassine Belattar est représentatif de cette génération d’activistes qui parviennent à jouer sur deux tableaux: le communautarisme ou le racialisme d’une part, le légalisme démocratique d’autre part. Ils usent ou plutôt abusent du second pour faire triompher le premier. L’État de droit, c’est-à-dire la république des juges, leur sert à harceler leurs adversaires politiques, à les épuiser en procédures judicaires coûteuses. Eux ont apparemment les moyens de ce harcèlement judiciaire, leurs victimes, elles, n’ont souvent d’autre choix que recourir à des cagnottes en ligne pour collecter des fonds afin d’assumer leurs frais de justice. Les décoloniaux manœuvrent à toutes les échelles judiciaires: les tribunaux français avec moult plaintes en diffamation à caractère raciste ou incitation à la haine raciale, la CEDH, et les instances onusiennes où ils sont comme des poissons dans l’eau, notamment la CDH à Genève où ils peuvent venir régulièrement cracher sur la France, son racisme d’État et sa législation islamophobe. Mais l’arroseur est souvent arrosé… Aujourd’hui Yassine Belattar, qui fut en 2015 le maître de cérémonie de la soirée de gala et de levée de fonds du CCIF, va connaître un autre visage de l’État de droit. Qui seront ses témoins de moralité?

Yassine Belattar aura contribué à vendre la marque En Marche ! auprès des « électeurs de banlieues ».

Son vaste réseau (il fanfaronnait en appelant Macron «son frère», en racontant ses dîners avec Hollande, et se vantait de son amitié avec Jean-Louis Borloo ou Claude Bébéar) risque, en effet, de ne plus lui être d’aucune utilité car il va faire l’expérience du «lâchage des boulets». Soutien de la première heure du candidat Macron qu’il dit avoir rencontré dès 2010 au sein du très select Institut Montaigne, Yassine Belattar, homme de gauche s’il en est, aura contribué à vendre la marque En Marche! auprès des «électeurs de banlieues». Il a pris sa part de boutiquier dans cette France découpée en parts de marché au service du progressisme de la «nation Start-Up». Belattar assume, toujours avec la modestie qui le caractérise: «notre pouvoir d’immersion dans les banlieues est avéré». «Je ne suis pas un institutionnel, je peux me rendre dans n’importe quelle cité» affirmait-il aussi. Comment? Il y aurait donc en France des territoires, des quartiers, des cités où on ne peut pas se rendre en toute sécurité si on n’est pas identifié et autorisé par les clans locaux? En voilà une étonnante nouvelle. Nous autres, auteurs en 2002 des Territoires perdus de la République, avons été méprisés puis attaqués au motif que les zones de non-droit que nous décrivions n’existaient que dans notre imaginaire de «racistes». Nous avions beau dire que nous étions des enseignants de terrain témoignant de notre expérience, on nous rétorqua que n’étant pas du cru, on ne comprenait pas la réalité que nous avions sous les yeux.

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Belattar est fier d’être la tête de gondole du Conseil présidentiel des villes (CPV) qu’il présente comme «une association consultative» de 25 bénévoles venus du monde associatif des quartiers sensibles de banlieues. Pour l’essentiel, nées après les émeutes ethno-religieuses de novembre 2005, ces associations ont à cœur de les réinterpréter comme des émeutes politiques, un appel désespéré à l’intégration républicaine en somme! Quel est donc le rôle de ce CPV depuis avril 2018: conseiller de façon directe le président et aider ainsi à infléchir en faveur de leur cause la dispendieuse et fumeuse «politique de la ville». Leur principal interlocuteur au niveau du gouvernement: Julien Denormandie, dont Yassine Belattar se dit très proche. Aucun élu local dans ce cénacle. Court-circuitage du niveau préfectoral. «Le président se nourrit de ce qu’on fait, et après c’est lui qui fait les arbitrages» déclarait-il aux deux journalistes du Point qui l’interrogeaient en janvier 2019. On croirait entendre un ministre.

Que va donc devenir le conseiller Belattar maintenant qu’il est mis en examen? On nous expliquera bien entendu que cela n’impacte en rien le «formidable travail du CPV», mais n’est-il pas révélateur qu’un tel comité ait pu compter dans ses rangs un individu connu du microcosme politico-médiatico-mondain pour sa violence verbale, ses attitudes menaçantes, ses comportements déplacés?

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Barbara Lefebvre