“Antisionisme et antisémitisme se rejoignent” (S. Klarsfeld à i24NEWS)

“Antisionisme et antisémitisme se rejoignent” (S. Klarsfeld à i24NEWS)

Serge Klarsfeld le 12.4.2018
i24NEWS
 

“La critique de l’Etat juif dissimule le plus souvent une haine anti juive. Beaucoup d’antisionistes s’imaginent ne pas être antisémites mais ils sont antisémites,” a estimé jeudi Serge Klarsfeld, président de l’association des Fils et filles de déportés juifs de France.

 

“Pour moi antisionisme et antisémitisme se rejoignent et effectivement la situation en France est grave”, a soutenu M. Klarsfeld en appelant les musulmans à provoquer “un mouvement de révolte” contre la violence faite aux Juifs en France.

“De même que beaucoup d’antisémites militaient dans les années 30 en disant qu’ils ne pensaient pas à l’extermination des Juifs mais lorsque les Allemands ont envahi la France, l”établishment politique du régime de Vichy collaborait activement à l’extermination des Juifs,” a-t-il expliqué. 

Serge Klarsfeld est revenu sur son enfance et son histoire à l’occasion de la Journée du souvenir de la Shoah.

“Ma vie a effectivement été marquée à la fois par la mémoire de la Shoah, par la défense de cette mémoire et par la défense aussi d’Israël”, a-t-il confié à i24NEWS.

Interrogé sur un recul du révisionnisme en France, M. Klarsfeld a répondu par l’affirmative.

“Il y a de moins en moins de thèses révisionnistes mais il y a par contre des attaques négationnistes qui sont de la pure propagande et qui sont efficaces notamment sur les réseaux sociaux et les esprits fragiles,” a-t-il déploré.

Une cérémonie a eu lieu mercredi soir pour la lecture des noms ininterrompue : un climat de recueillement mais aussi un climat d’inquiétude après la mort de Mireille Knoll, assassinée dans des conditions qui montrent que c’était un attentat antisémite.

Selon le président de l’association, le quinquennat d’Emmanuel Macron est la “dernière chance” pour échapper à “un populisme d’extrême droite”.

Pour revoir l’intégralité de l’intervention de Serge Klarsfeld : 

LUC FERRY : “HALTE AU FONDAMENTALISME ÉTRANGER !”

À l’occasion du ramadan, la France a invité une centaine d’imams algériens. Une décision sidérante, juge notre essayiste.
 

Publié le 11 avril 2018 dans Le Figaro

J’apprends en lisant mon Figaro du jeudi 5 avril que notre gouvernement a décidé de faire venir pour le ramadan une centaine d’imams d’Algérie, et je ne puis que partager la réaction sidérée de mon amie Jeannette Bougrab : «Les bras m’en sont tombés! Comment, dans un État laïque, le ministre de l’Intérieur, certes ministre des Cultes, se préoccupe de faire venir des imams d’Algérie pour le ramadan? On nous casse les oreilles avec la création d’un islam de France et on fait venir des imams d’Algérie!» En effet… Sur les réseaux sociaux, j’eus l’autre jour le malheur de dire qu’il me semblait aberrant de garder sur notre sol des étrangers fichés S lorsqu’ils viennent semer la haine salafiste auprès des jeunes de nos quartiers. Nous avons déjà assez de mal à surveiller les nôtres pour ne pas nous encombrer de ceux qui viennent d’ailleurs. Volée de bois vert jusque dans mon journal préféré sous la plume du très libéral (et très gentil) Gaspard Koenig, qui m’accuse carrément de me «perdre» au motif que je ferais le jeu des terroristes en proposant pour les combattre de supprimer les libertés publiques les plus fondamentales. Diable! Rien que ça !

J’ignorais, je l’avoue, que le néolibéralisme conduisait à nier le droit français au nom de la liberté des terroristes potentiels. Car je vais être très clair: j’ai toujours dit et écrit que l’internement a priori de fichés S était à la fois impossible et illégal, donc absurde, de sorte que ceux qui le proposent sont des démagogues dépourvus de sérieux. Il est de fait que les fichés S, s’ils sont potentiellement dangereux, n’ont par définition encore rien commis de répréhensible qui permettrait qu’on puisse les enfermer. S’il est hautement souhaitable de les surveiller, et même bien davantage qu’on ne le fait aujourd’hui, il est néanmoins impossible de les jeter en prison sur simple présomption.

Une menace de plus en plus mortelle

En revanche, notre droit autorise en toute légalité et légitimité de renvoyer dans leurs pénates des étrangers qui menacent la sécurité et l’ordre public, qui tiennent des discours de haine contre la France, contre les non-croyants, les femmes ou les Juifs et qui appellent nos jeunes au djihad. La preuve? Notre ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, s’est tout récemment fendu d’un communiqué officiel pour faire savoir qu’il avait renvoyé dans leurs pays en 2017«une vingtaine d’étrangers» dont il souligne qu’ils étaient «en situation régulière», parce qu’ils tenaient des discours hostiles aux valeurs de la République, dangereux pour la sécurité des Français et susceptibles de provoquer des troubles à l’ordre public. Dans le même style, Villepin avait déjà fait expulser un imam qui appelait à battre les femmes désobéissantes. Ma seule réserve: pourquoi seulement vingt et pourquoi inviter des imams algériens? Je ne doute pas une seconde de l’engagement républicain de Gérard Collomb, un homme que j’estime, connais de longue date et qui fut un excellent maire de Lyon. Mais pourquoi tant de pusillanimité face à une menace de plus en plus mortelle?

« Il ne s’agit pas de paroles, il s’agit d’appels au meurtre et à la haine de la part de religieux fanatiques qui n’ont rien à envier aux nazis »

Le néolibéralisme est une idéologie que je respecte, mais que je ne partage pas. Je ne pensais toutefois pas qu’elle pouvait conduire jusqu’à inviter sur notre sol des ennemis de la France quand elle est en état de guerre, une guerre atypique, asymétrique et seulement défensive, certes, puisque nous ne faisons que nous protéger d’ennemis bien réels, mais une guerre quand même. Mon ami Koenig aurait-il invité à Paris un nazi allemand en l940 au nom de la fameuse thèse selon laquelle un libéral serait prêt à mourir pour la liberté de parole de ses ennemis? Mais, mon cher Koenig, il ne s’agit pas de paroles, il s’agit d’appels au meurtre et à la haine de la part de religieux fanatiques qui n’ont rien à envier aux nazis: ni la sauvagerie sanguinaire, ni l’antisémitisme, ni le mépris des femmes, ni la haine des Lumières comme de ce libéralisme que vous devriez pour une fois défendre contre ses véritables ennemis dont je ne suis certainement pas le principal représentant!

P.-S.: J’apprends par Jacques Testard, toujours dans mon Figaro, que ceux, dont je suis, à qui la lutte contre la vieillesse et la mort où s’engage le transhumanisme ne déplaît pas entièrement témoignent d’un «infantilisme archaïque». Venant de quelqu’un qui défend depuis toujours une doctrine marxiste-léniniste, le trotskisme, portée par des gens responsables de la mort de millions d’innocents, je me sens vraiment très impressionné. Quand auront-ils enfin la décence de s’excuser, de mettre un bémol à leurs leçons de morale ?

1948 : l’écrivain Arthur Koestler raconte l’exode des Palestiniens d’Israël

LES ARCHIVES DU FIGARO – La Nakba, «la catastrophe». Tous les 15 mai, les Palestiniens commémorent l’expulsion de plus de 700.000 d’entre eux, en 1948, à la suite de la création de l’État d’Israël. Ce jour-là, l’écrivain britannique était sur place pour Le Figaro.

Article paru dans Le Figaro du 16 juin 1948

Premières impressions d’Israël

L’auteur du Zéro et l’Infini et de La tour d’Ezra s’est rendu, ainsi que nous l’avons annoncé, dans l’Etat d’Israël, où il compte passer plusieurs mois, à seule fin d’apporter au monde son témoignage sur le drame palestinien.

Le Figaro s’est assuré pour la France l’exclusivité des «notes» du grand écrivain dont nous publions aujourd’hui le premier article.

PREMIERES impressions d’Israël. «Au commencement étaient le chaos et la confusion.» Imprimés sur nos passeports avec un tampon en caoutchouc flambant neuf par les représentants, à Paris, du gouvernement provisoire d’Israël, nos passeports – celui de ma femme et le mien – portaient les numéros cinq et six…

Des écriteaux à l’aéroport d’Haïfa: «Douanes-Police-Passeports», peints tout fraîche, ment en hébreu et en anglais. Nommé de la veille, l’officier d’immigration d’Israël n’a pas encore d’uniforme, pas plus d’ailleurs que l’inspecteur des douanes, ou que l’armée elle-même. En fait, l’uniforme de tous les serviteurs de l’Etat d’Israël, qu’ils soient civils ou militaires, se borne à la vareuse et au short kaki. Les autorités portuaires sont toutes aussi affables, inefficaces et enthousiastes. C’est la bureaucratie dans son état d’innocence virginale, avant qu’elle n’ait eu le temps de se tisser son cocon de règlements.

Haïfa est tombé comme Jéricho

Les quartiers arabes de Haïfa et les souks sont virtuellement désertés, car la plupart de leurs 70.000 habitants arabes sont partis. Ce port-clé de la Méditerranée est tombé aux mains d’Israël après une bataille de rues qui ne dura que six heures et qui coûta la vie à dix-huit Juifs et à une centaine d’Arabes.

Haïfa est tombé parce que la population arabe, bien que légèrement inférieure en nombre et supérieure en armement, a été entièrement démoralisée par la désertion de ses chefs. Les mêmes «effendis», qui se faisaient les apôtres de l’antisionisme pendant qu’ils vendaient leurs terres aux Juifs, se mirent, à prêcher la guerre sainte, mais quittèrent nuitamment la ville avec leur famille et leur mobilier en direction de Beyrouth ou de Chypre.

Proclamation de l'indépendance d'Israël le 14 mai 1948.

Grâce à ses tables d’écoute branchées sur les lignes téléphoniques arabes, la Haganah put annoncer dans ses émissions en langue arabe chacune de ces désertions, y compris celle du commandant en chef Amin Bey Izzed Dins, qui partit pour la Syrie en canot à moteur, sous prétexte d’aller chercher des renforts.

Privée de ses chefs, la population arabe se rendit à la première attaque en force de la Haganah. Haïfa est tombé comme Jéricho, les haut-parleurs automobiles de la Haganah remplaçant les trompettes. A Jaffa et à Tibériade, la même histoire se reproduisit à peu de chose près. L’effondrement complet des forces arabes avant l’invasion des États voisins est dû à deux raisons majeures d’abord à la trahison de la classe des effendis et; ensuite, au fait que les Arabes originaires de Palestinen’ont jamais combattu sérieusement parce qu’ils n’avaient aucune raison de le faire; en effet, ils avaient accepté la présence des Juifs sur le sol palestinien avec tous les avantages économiques que cette présence comportait, et considéraient le partage «de facto» comme un fait accompli.

Amertume et méfiance

Ce que j’ai vu en suivant la route côtière d’Haïfa à Tell-Aviv* m’a encore confirmé dans cette opinion: en plein territoire d’Israël, des fellahs arabes cultivaient leurs terres librement, tranquillement, écoulant leurs produits dans la population juive. La route était sillonnée de cars réquisitionnés et camouflés d’une manière assez primitive avec de la boue. Ils étaient surchargés de soldats de la Haganah qui chantaient à tue-tête. Des camions circulaient avec leurs plaques de blindage «home-made», qui voulaient se donner des allures de tanks, et d’autres simili-engins de guerre.

«L’atmosphère de Tell-Aviv est un mélange unique d’enthousiasme délirant vis-à-vis de l’État encore au berceau, et d’une dose considérable d’amertume additionnée de méfiance.»

Cette atmosphère d’improvisation, de confusion pour les laissez-passer, le manque d’hommes expérimentés dans l’administration de l’État naissant, les erreurs commises à l’égard des étrangers, tout faisait penser à la guerre civile espagnole, avec cette différence, cependant, que dans la guerre d’Espagne les deux côtés recevaient des armes et des hommes de l’étranger, tandis qu’ici il y a un camp qui reçoit des armes et l’autre une sympathie toute platonique.

C’est pourquoi l’atmosphère de Tell-Aviv est un mélange unique d’enthousiasme délirant vis-à-vis de l’État encore au berceau, et d’une dose considérable d’amertume additionnée de méfiance. On peut déplorer qu’il en soit ainsi, mais n’est-ce pas que trop naturel dans cette tragique communauté de trois quarts de million de gens qui luttent pour leur survivance contre les armées de cinq États souverains? J’en ai acquis la conviction profonde au cours d’une visite à un hôpital militaire, quelque part en Israël. Les histoires que racontent les blessés et les mutilés de la Haganah, qui défendirent les colonies juives isolées de Galilée et de la vallée du Jourdain avec des armes légères contre les tanks syriens et irakiens, provoquent chez le visiteur venu des démocraties occidentales ce même sentiment d’humiliation coupable qu’iI éprouvait à la lecture des rapports d’Ethiopie ou d’Espagne, à leur époque.

Bombardements de Jerusalem le 28 mai 1948.

On ne doit pas s’étonner que Tell-Aviv reste sceptique au sujet d’une trêve. Derrière cette méfiance, il y a trente années d’expériences, comportant dix-huit commissions d’enquête, des conférences de La Table Ronde, des médiations et des promesses non tenues. Même les plus modérés doivent faire un effort pour ne pas devenir enragés quand ils entendent de doucereuses paroles de modération, tandis que la Légion de Club Pacha n’est plus qu’à une vingtaine de kilomètres environ de la capitale et que les avions égyptiens mitraillent les files d’attente d’autobus dans la rue.

Guerre des Macchabées et des Mille et Une Nuits

Le fait que, contrairement aux prévisions des conseillers du Foreign Office pour le Moyen-Orient, Israël tienne bon, et même améliore ses positions stratégiques, est non seulement dû au caractère d’opérette des armées d’invasion —exception faite de la Légion Arabe— mais aussi à la ferveur mystique de l’armée improvisée d’Israël. Ces jeunes Tarzans juifs jettent des cocktails Molotov sur les tanks arabes du haut des eucalyptus, ou se lancent sur les tourelles en se faisant eux-mêmes sauter.

Caractéristique de cette atmosphère est l’histoire suivante, racontée par un témoin du combat qui se déroula dans la Vieille Cité de Jérusalem. La légende veut que, lors de la destruction du temple par les armées de Titus, les prêtres jetèrent les clés de Jérusalem vers le ciel, en implorant Dieu: «C’est Toi qui es désormais le Gardien de ces clés! Une main descendit alors-du ciel et prit les clés. Or pendant le siège de la Cité, effectué par la Légion Arabe, la rumeur circulait, parmi les anciens, que Dieu avait rendu les clés.

Cette guerre est certainement la plus extraordinaire de l’histoire moderne. Elle est toute chargée de réminiscences historiques la Guerre Sainte et les Mille et Une Nuits d’un côté; la Bible et les Macchabées de l’autre. Chaque endroit où les hommes font le coup de feu et lancent des bombes confectionnées en Palestine même, a été le témoin soit du geste de Josuah arrêtant le soleil, ou d’un miracle du Christ.

«C’est peut-être ce qui donne une impression de rêve, d’irréalité à tout-ce chaos, jusqu’au moment où le hurlement des sirènes, qui déchire le black-out de Tell-Aviv, vous rappelle à la réalité.»

C’est peut-être ce qui donne une impression de rêve, d’irréalité à tout-ce chaos, jusqu’au moment où le hurlement des sirènes, qui déchire le black-out de Tell-Aviv, vous rappelle à la réalité. On se demande alors si un dernier miracle surviendra ou non: l’intérêt même des démocraties occidentales et la pression de l’opinion publique arriveront-ils à triompher de l’idée fixe d’un seul homme: celui qui est à la tête du Foreign Office?

Arthur KOESTLER

(copyright Le Figaro et Opera Mundi)