ANTISIONISME MADE IN THE USA
Le Yessod septembre 2017 https://www.keren-hayessod.fr/medias/le-magazine-yessod/
Par Nidra Poller
L’antisionisme est un rapport toxique à l’Etat juif, englobant à des degrés différents des formes anciennes d’antijudaïsme— païen, chrétien, raciste, islamique—et décliné dans une gamme de positions allant d’une critique abusive de l’Etat d’Israël jusqu’à la haine génocidaire. L’antisionisme, par son intimité factice avec l’Etat juif honni, ressemble plus à des rapports familiaux pathologiques qu’aux prétextes géopolitiques qui lui servent de paravent.
Dans l’Amérique de Donald J. Trump, réputé le plus pro-israélien des présidents, se répand un antisionisme vertueux qui, on le verra, se trouve à l’aise avec des mouvements noyautés par les Frères Musulmans. D’un bout à l’autre de l’échelle politique, des élites universitaires aux brutes néo-nazies, l’Etat juif est contesté. Les Juifs aussi, dont la majorité vote à gauche, s’éloignent d’un Etat d’Israël qui, à leurs yeux, trahit l’idéal.
Sans minimiser la montée d’un antisémitisme traditionnel chez une partie de l’électorat du président Trump, sans ignorer le rejet d’un sionisme associé à ce président brut de décoffrage qui brise les conventions en promettant monts et merveilles, on doit reconnaître la force d’un antisionisme d’origine islamique qui se développe lentement depuis des décennies. La camaraderie typiquement américaine avec l’Etat d’Israël n’est pas à l’abri d’éventuels bouleversements d’ordre national ou international. Si la politique du président-voltigeur trébuche, entraînant un conflit majeur d’ordre militaire ou commercial, les Juifs américains pourraient trinquer pour la complicité affichée aujourd’hui entre Trump et Netanyahu. Complicité elle-même fragile : une volte-face n’est pas à exclure, au cas où un refus israélien de concessions gênerait la stratégie globale de paix au Moyen-Orient, du président américain.
En attendant, l’antisionisme creuse son chemin dans les universités, le parti Democrat, les médias, les milieux intellectuels, dans les mouvements de justice sociale mais aussi du côté des suprématistes blancs. La jeunesse juive progressiste s’éloigne d’un Etat d’Israël accusé de colonisation, d’extrémisme religieux, politique et militaire, et surtout et toujours de la persécution des Palestiniens —l’Occupation. Se croyant animés par une vraie éthique juive, les vertueux jettent en pâture le gouvernement de Benjamin Netanyahu, lui préférant une gauche israélienne qui n’existe plus. Les instances communautaires, les mouvements religieux Reform et Conservative emboîtent le pas, se perdant dans des démarches œcuméniques naïves, accueillant des activistes de plus en plus hostiles à Israël : J Street, New Israel Fund, Students for Justice in Palestine, Jewish Voice for Peace, BDS, la Marche des Femmes, Black Lives Matter, IfNotNow…
L’engouement des milennials est un véritable tropisme : le soleil d’un Islam imaginaire attire la verte jeunesse alors que la hargne contre Israël lui pourrit les racines. En parcourant les centaines de déclarations, pétitions, articles, blogs, interventions, manifestes et témoignages, on est frappé par l’uniformité des discours et des démarches. Aussi arrogants qu’ignorants, ils tambourinent des propos dérivés, brandissant leur identité juive comme bouclier contre toute remise en question de leur probité. Qu’un mouvement soit concrètement piloté par les Frères Musulmans ou simplement acquis à ses thèses, le rapprochement sera fait par « l’intersectionality », une sorte de méga convergence de luttes qui relie, par exemple, des soi-disant sionistes du genre IfNotNow au BDS. Selon l’idéologie sectaire d’intersectionality, les Juifs, certainement pas une minorité menacée, sont classés avec les Blancs favorisés [white privilege].
Depuis des années il règne sur nombreux campus universitaires, et pas les moindres, un climat hostile au sionisme et par ricochet aux étudiants juifs qui ne partagent pas cette animosité. Intimidation, menaces, agressions physiques sont tolérées dans de petites facultés locales comme dans les prestigieuses universités de l’Ivy League. Des professeurs tiennent des propos enflammés en classe et sur les réseaux sociaux, malmènent des étudiants qui ne respectent pas l’idéologie qu’ils imposent.
L’avenir est hypothéqué par le fait que les élites juives et non-juives baignent dans une ambiance de désapprobation d’un Etat juif « coupable » de se défendre contre un ennemi dont la haine génocidaire n’est pas prise en compte. Parallèlement, des éléments criminels d’un sous-prolétariat noir sont embrigadés pour devenir le bras armé d’un antisémitisme d’inspiration jihadiste. En témoignent les récentes agressions contre des Juifs à Brooklyn.
La situation va de mal en pis, malgré les efforts soutenus des sionistes ou des simples défenseurs de la liberté d’expression. Le documentaire Columbia Unbecoming, un des premiers à avoir abordé la thématique, remonte à 2004. On pourrait, aujourd’hui, tourner des dizaines de films dans le genre, sans épuiser le sujet.
Quinze ans plus tard, Charles Jacobs, co-fondateur du David Project et producteur de Columbia Unbecoming, fait le triste constat que le leadership de la communauté juive américaine, incapable d’identifier et de confronter le nouvel antisémitisme, se bat contre des moulins à vent. La nouvelle génération accuse l’Occident de tous les maux et se donne bonne conscience en embrassant une idéologie anti-israélienne et pro-palestinienne. L’entrisme des mouvements islamistes sur les campus, l’influence des universitaires gauchistes et le développement de l’intersectionality mène à la marginalisation des étudiants juifs qui ne renient pas leur sionisme. Cette lame de fond touche également les écoles secondaires. Alors que les adolescents sont manipulés par des manuels scolaires qui reprennent le narratif palestinien, les jeunes adultes, formés dans l’ambiance antisioniste universitaire entrent, avec leur bagage idéologique, en politique.
Israel Parade à New York
Des mesures de sécurité exceptionnelles cette année pour le défilé traditionnel qui attire des dizaines de milliers de sionistes : garde-fous à chaque carrefour, plus de 1 000 policiers, chiens renifleurs, snipers sur les toits, camions d’éboueurs remplis de sable pour empêcher des attaques à la voiture bélier… Des mesures motivées, selon le Chef d’escadron Rodney Harrison, par la menace terroriste en Israël, au Moyen-Orient, en Europe et dans le monde.
L’islamisation de l’esprit
Ce n’est pas par hasard que l’assaut contre la liberté occidentale commence au niveau universitaire et se répand dans les milieux intellectuels, les médias, le système scolaire, la gauche progressiste. Il faut désarmer l’esprit avant de prendre le pouvoir. Ce qui frappe c’est l’absence du débat aux Etats-Unis aujourd’hui. Des jeunes et moins jeunes qui se croient parés de toutes les vertus ânonnent des propos prémâchés. On ne cherche pas à contrer le raisonnement de l’autre, on l’exclut. C’est du tribalisme. La liberté d’expression garantie par le premier amendement de la Constitution est menacée par un esprit totalitaire. Au-delà du politiquement correct, le refus de soumettre aux préceptes dictés est puni comme apostasie. Un tel climat n’est jamais bon pour les Juifs.
Page d’exemples…
Les exemples qui suivent ne sont pas isolés, ni exagérés. Ils sont puisés dans des sources abondantes et constamment renouvelées.
Dans les universités américaines
California Polytechnic State University : Le Black Student Union, accompagné d’autres associations d’étudiants, exige une augmentation généralisée de subventions… sauf pour les groupes soutenant l’ « idéologie sioniste ». Gare à celui qui, confondant sionisme et judaïsme, les accuserait d’antisémitisme !
Légende photo : militants anti-israéliens (crédit : CC-BY-SA Takver/Flickr)
Dans les universités américaines
A Raleigh / Durham / Chapel Hill North Carolina, le prestigieux triangle universitaire qui attire des intellectuels du monde entier :
Au mois de mai, des caricatures antisémites sont affichées à Durham par le National Socialist Legion, « défenseur de la race blanche ». Un Juif barbu au nez crochu étrangle le monde dans ses tentacules.
Vos ancêtres ont combattu les tyrans, à vous de prendre le relais
L’affichage fait suite à une réunion houleuse du Conseil de Durham où, poussé par le mouvement Demilitarize Durham2Palestine, une résolution interdisant la formation de la police municipale par des agents « étrangers » … en fait israéliens, a été adopté.
Dans les universités américaines
Harvard Law School (14 avril 2016) :
Tzipi Livini participe à une table ronde au sujet des négociations israélo-palestiniennes, organisées avec le soutien du Jewish Law Students Association et le Harvard Hillel. On donne la parole à l’assistance. Le futur avocat Husam El-Qoulaq s’adresse à Livni: « J’aimerais savoir pourquoi tu pues ». Pas de réponse. Il insiste: « C’est au sujet de l’odeur de Ms. Tzipi Livni, elle sent vraiment mauvais… ». L’impolitesse aux relents antisémites fait un peu scandale. Qu’à cela ne tienne. Onze étudiants juifs courent à la défense de … Husam El-Qoulaq. Leur lettre est publiée dans le Harvard Law Record. « Tzipi Livni, rappellent-ils, alors ministre des affaires étrangères, a joué un rôle important dans l’opération Plomb Durci dénoncée par les Nations Unies pour sa brutalité contre les civils palestiniens. Husam, n’est pas antisémite : il lutte aux côtés de ses amis juifs contre l’antisémitisme. A présent, notre ami palestinien est la cible d’insultes et menaces, comme tous ceux qui dénoncent les souffrances infligées aux Palestiniens par Israël. Le courage de Husam est enviable ».
Dans la communauté juive…
6 mai 2018 / JNS : Sandra Korn et Lara Haft, deux militantes de Jewish Voice for Peace, sponsors de ladite résolution, sont employées par des synagogues de Durham-Chapel Hill. L’intervention de Sandra Korn est emblématique. Au nom de son identité et ses valeurs juives elle démolit gentiment l’Etat d’Israël, dédouane d’emblée les membres de la commission du mauvais procès d’antisémitisme, et clame vertueusement Palestinian Lives Matter, Black Lives Matter. La vie d
Dans la presse
Une libre opinion publiée dans le Salt Lake Tribune et reprise par l’association pro-israélienne de veille de média CAMERA
Michael S. Robinson : « Nous nous trompons de partenaire au Proche-Orient »
« Je déteste Israël — pas, bien entendu, ses nombreux citoyens innocents, mais son gouvernement inhumain et meurtrier…». L’auteur attribue l’aveuglement face aux atrocités commises par Israël à la puissance du lobby juif associée à une philosophie écervelée qui veut que, puisque les Juifs ont beaucoup souffert à travers les âges, on ne devrait jamais les critiquer. Comme un enfant-roi qu’on n’ose pas discipliner parce que l’autre jour il a eu un bobo. Les Etats-Unis se trompent en permettant à Israël de disposer d’une puissance militaire sans limites. Le monde s’est trompé en 1947 en imposant un Etat juif, un intrus dans la région, un lot de consolation animé de bonnes intentions … sauf que, depuis lors, Israël se comporte mal et sa politique barbare inspire la haine.
Mouvement juif anti-israélien
IfNotNow [Hillel : « … si pas maintenant… »]
Le but du mouvement IfNotNow est de transformer la communauté juive américaine qu’il accuse de soutenir l’Occupation et de construire, à la place de ses institutions actuelles, une communauté juive dont la solidarité entre Juifs « de couleur » (mizrahi et séfarade) et « blancs » (ashkénaze) sera inscrite dans des systèmes « élargis» de lutte contre le racisme anti-Noir, anti-Arabe et islamophobe.
Connus pour des actions coup de poing— manifestations agressives contre des organisations juives, kaddish pour les morts de Gaza, etc.,— IfNotNow est plus cool, plus jeune et plus extrême que la maison mère, JStreet, qu’il réussit à ringardiser. Quand Peter Beinart « un vieux de la vieille » ose suggérer (The Forward) que ce mouvement admirable s’est peut-être trompé en cautionnant son exclusion, en tant que « sionistes », du Dyke March [marche des gouines], il est virtuellement giflé. IfNotNow exige le respect absolu de son idéologie. Sinon c’est l’apostasie.