Comment mourra la “cause palestinienne” ?

Comment mourra la “cause palestinienne” ? (23.09/18) [analyse]

Par Guy Millière © Metula News Agency 

 

Donald Trump n’a pas encore présenté son plan de paix pour le Proche-Orient. Il lui reste à vaincre quelques réticences et à obtenir les résultats de quelques actions menées en ce moment. 

 

Il lui reste aussi à voir ce qui va se passer en Iran lorsque les sanctions américaines entreront pleinement en vigueur, début novembre. Il doit encore convaincre le roi de Jordanie, et, si nécessaire, lui faire comprendre que sans argent américain, il pourrait se retrouver singulièrement à manquer d’air et dans la même situation que celle dans laquelle les mollahs de Téhéran sont confinés. 

 

Sans qu’on n’en connaisse tous les détails, on sait que le plan aura des ressemblances avec la “solution à trois Etats” proposée il y a longtemps par John Bolton, et qu’aucun des trois Etats concernés n’est un Etat palestinien, qui n’existe et n’existera que dans les fantasmes des anti-israéliens les plus fervents. 

 

L’un des Etats sera Israël, avec pour capitale Jérusalem une et indivisible. Un autre Etat sera l’Egypte d’Abdel Fattah al Sissi, à qui les Etats-Unis aimeraient confier la bande de Gaza (si l’Egypte s’occupe du Hamas, elle s’en occupera “à l’égyptienne”, et l’on peut gager que la presse occidentale sera moins choquée que si c’est Israël qui s’en chargeait). Le troisième Etat sera la Jordanie, et ce n’est pas du tout un hasard si des membres de l’administration Trump rappellent ces temps derniers que les Arabes vivant en Judée-Samarie étaient jordaniens jusqu’en 1988. Ce n’est pas non plus un hasard si, dans la presse jordanienne, on trouve ces temps des articles affirmant que la Jordanie a plus de légitimité à revendiquer une part de la Judée-Samarie que les dirigeants “palestiniens” ; la légitimité de la Jordanie sur tout ou partie de la Judée-Samarie n’existe pas, mais celle des dirigeants palestiniens existe infiniment moins encore. 

 

L’administration Trump fait pression pour que l’Autorité Palestinienne revienne à la table des négociations, et s’attend à un refus persistant qui lui permettra de dire au monde arabe sunnite qu’il n’y a rien à faire avec “ces gens-là”. Ce qui est rigoureusement exact. Et il est prévu que le monde arabe sunnite reconnaîtra qu’il n’y a effectivement rien à faire avec ces gens-là. Si, très improbable hypothèse, l’Autorité Palestinienne revenait à la table des négociations, l’administration Trump lui offrirait de se soumettre totalement ou de se démettre. Autrement dit, de renoncer totalement au terrorisme et aux incitations à la haine, d’accepter de régir des zones autonomes à la stricte condition qu’il y ait renoncement total au terrorisme. 

 

Pour l’heure, les dirigeants “palestiniens” semblent ne pas comprendre ce qui leur arrive et vivre dans un monde parallèle qui, bientôt, n’existera plus que dans leur tête. Ils prétendent toujours que Jérusalem sera leur capitale, qu’ils veulent le retour de cinq millions de “réfugiés”, et qu’ils n’abandonneront pas la “lutte armée”. Ils clament qu’ils ont toujours des appuis ; ils feignent de ne pas voir que le régime iranien va très mal, et que la Turquie ne se porte pas très bien. Ils invoquent l’Union Européenne, qui continuera à les appuyer jusqu’au bout ; ils simulent d’ignorer que l’Union Européenne se fissure et qu’y émergent des dirigeants – Viktor Orban, Matteo Salvini, Sebastian Kurz, pour ne pas les citer -, moins enclins à suivre la ligne islamique et hypocritement antisémite défendue par Mogherini, Macron et Merkel. 

 

Un commentateur israélien a dit récemment que les dirigeants “palestiniens” étaient sur le point de passer sous le train lancé à vive allure de la révolution Trump et ne discernaient rien. 

 

Quand la “cause palestinienne” sera morte, ce qui, si tout continue sur la lancée actuelle, sera chose faite assez vite, et quand les dirigeants “palestiniens” seront seuls à vociférer dans leurs bureaux vides, quelqu’un sera-t-il chargé de leur dire de partir, ou les laissera-t-on soliloquer, écumer de rage dans leur bunker, mis hors d’état de nuire jusqu’à la fin de leur nauséabonde existence. 

 

Quand toutes les autres questions auront trouvé leur réponse, il restera à poser cette dernière question. 

S300 EBER HADDAD

 

Eber Haddad

 

La mauvaise foi russe du temps des soviétiques revient au galop. La Russie a décidé de livrer des missiles antiaériens S-300 à la Syrie pour punir Israël de ne pas avoir abattu un avion de reconnaissance russe avec 13 personnes à bord qui a été descendu par la DCA syrienne toujours aussi incompétente. Très logique donc, on punit l’innocent et on récompense le coupable. Les missiles S-300 sont redoutablement efficaces mais ils ne sont pas la dernière génération de missiles antiaériens russes. Bien qu’Israël dispose de contremesures, cela va rendre plus difficile, mais pas impossible, les frappes israéliennes contre les iraniens présents en Syrie qui livrent des armes offensives destinées pour la plupart à des objectifs civils en Israël, au Hezbollah libanais. Comme Israël n’arrêtera pas de se défendre contre l’offensive iranienne, on peut s’attendre à plusieurs scénarios :
– une escalade du conflit.
– un affrontement direct avec la Russie qui pourra dégénérer mais qui risque d’entraîner ce pays dans une direction qui ne lui sera pas favorable, en augmentant ses engagements en Syrie, ce qu’elle a évité de faire jusqu’à présent. 
– un élargissement des frappes au Hezbollah qui lui aussi risque de dégénérer en conflit ouvert qui fera beaucoup de dégâts des deux côtés mais qui sera cataclysmique pour le Liban. 
– un arrêt des livraisons iraniennes avec retrait de leurs forces de Syrie. Prévision optimiste mais plausible.

On verra bien mais là, Poutine, qui avait réagi de façon mesurée, vient de faire sa première grosse erreur stratégique. Peut-être aussi est-ce un signe que son pouvoir en Russie est en train de décliner au profit des extrémistes et des militaires.

EN MÉMOIRE DE MARCELINE LORIDAN-IVENS

 

EN MÉMOIRE DE MARCELINE LORIDAN-IVENS 

HOMMAGE PRONONCÉ PAR LE RABBIN DELPHINE HORVILLEUR LORS DES FUNÉRAILLES DE MARCELINE LORIDAN-IVENS NÉE ROSENBERG À PARIS, LE 21 SEPTEMBRE 2018

Pour raconter Marceline, permettez-moi de commencer par la fin… par une chambre d’hôpital à Paris où, mardi soir, à la nuit tombante, résonnent ces notes, au moment même où dans toutes les synagogues du monde, on entend :

Kol Nidré… Veessarei, veh’aramei, vekounamei, vekhinouyei
Vekinoussei oushevouot…
Tous ces vœux, toutes ces promesses, demandent les Juifs ce soir-là, à quoi nous engagent-ils vraiment ?

Mourir à Yom Kippour, ça c’est du « Grand » Marceline !

Ne me dites que c’est juste un hasard. Je n’en crois pas un mot.

Comme beaucoup d’entre vous, j’étais convaincu que l’ange de la mort n’arriverait jamais à la retrouver. Je me suis souvent dit qu’elle avait gagné une sorte d’immunité et que, même s’il sonnait tout à coup à sa porte, elle l’engueulerait et il partirait voir ailleurs.

Je me suis dit que de toute façon il ne pouvait rien contre elle. Et j’en reste convaincue aujourd’hui.

Et je crois que ce n’est pas lui qui est venu la chercher, mardi soir : c’est elle qui l’a sifflé. C’est elle qui a décidé que le moment était arrivé. C’est elle qui a choisi. Parce qu’elle a toujours tout choisi et qu’il n’était pas question que quelqu’un lui vole sa sortie.

Alors Yom Kippour, comme date, forcément, « ça a de la gueule ». Je n’en connais pas de meilleure. C’est le jour où, selon la tradition, s’ouvrent les portes du Ciel, un jour où, dit-on, se réunit un tribunal qui décide du pardon. Dieu juge les hommes…
À moins que… à moins que ce ne soit l’inverse.

Une célèbre blague juive le raconte ainsi :
Un jour à Yom Kippour, le rabbin se rend compte que, dans le fond de la synagogue, un homme, Yisthok, semble parler seul, s’agiter et se disputer avec quelqu’un.
Le rabbin s’approche de lui et lui demande : « Yitshok, à qui parlais-tu ? »
Et l’homme répond : « Je parlais à Dieu. Je lui disais : « Je veux bien demander pardon pour ce que j’ai fait mais, franchement, je n’ai rien fait de si terrible. Par contre, toi, Dieu, regarde ce monde, la souffrance, la douleur, les catastrophes qui s’abattent sur nous. Toi Dieu, c’est à toi de nous demander pardon ! » »
Alors le rabbin demande : « Mais comment s’est finie la conversation ? »
Et Yitshok dit : « C’est simple, j’ai dit à Dieu :
 « Je te pardonne, tu me pardonnes, et on est quittes ! » »
Et c’est alors que le rabbin s’emporte contre Yitshok et lui dit : « Mais enfin, pourquoi as-tu laissé Dieu s’en tirer à si bon compte ? »

La tradition juive entend la rébellion et la colère, même tournée contre Dieu. Elle l’écoute et lui fait de la place. Et si l’homme peut demander à Dieu des comptes, alors je crois qu’en cet instant, face à Marceline, Dieu est en situation difficile et pourrait bien passer un sale quart d’heure.
Parce que devant lui se tient une avocate féroce de l’humanité qui va plaider comme personne pour sa génération.

Et pour nous qui restons ici, il va nous falloir apprendre à vivre sans elle, sans son rire et sa voix, sans ses coups de gueule et sa répartie, sans l’appartement de la rue des Saints-Pères où l’on s’installe pour refaire le monde, et sans son humour implacable et ses airs de gamine de 15 ans, qui nous rappelaient que Marceline n’avait aucun âge, en tout cas sûrement pas le sien.

Et depuis deux jours, je ne compte pas le nombre de personnes qui m’ont dit : « Mais qu’est-ce qu’on va faire sans elle ? »

Hier, son amie Audrey Gordon m’a fait lire une lettre qu’au bout du monde, elle a écrit à Marceline en apprenant sa mort. Elle lui dit : « Je regarde le ciel, je lui crie ton nom. Je lui demande comment supporter l’absence. Toi, tu m’aurais simplement répondu : « Démerdez-vous ! »  C’était ta manière à toi de transmettre. Ce « Démerdez-vous !  » adressé à ma génération, cela voulait dire : « Réinventez, ne reproduisez pas à l’identique. » »

Je crois qu’Audrey a raison : Marceline nous a dit mille fois « Démerdez-vous ! » avec une tendresse extraordinaire qui veut dire : faites avec la faille, construisez-vous avec le manque. Parce que c’est ce que moi j’ai réussi à faire : faire de la brisure et de mon histoire, non pas un effondrement, mais le plus majestueux des édifices, une vie de femme libre, de juive debout, qui ne se laissera pas briser.

Bien sûr, ces dernières années, le corps lâchait un peu.
Un soir, à Jérusalem, elle a soudain perdu la vue. Quand elle m’a raconté cela, nous avons passé un long moment toutes les deux à parler de la Bible. Je sais, c’est un peu étrange. Je lui ai raconté qu’Isaac, le fils d’Abraham, cet enfant qui fut un jour lié sur un autel et presque sacrifié, a, à la fin de sa vie, perdu la vue. Et le verset qui raconte cela dans la Torah le décrit de façon très étrange. Il est écrit :
VETIK’EINA ENAV MI-R’OT
« Les yeux d’Isaac s’obscurcirent d’avoir vu ».

Il n’est pas écrit qu’Isaac cessa de voir mais que son regard s’obscurcit « d’avoir vu ». Mais d’avoir vu quoi, demandent les rabbins ?
Réponse des sages : d’avoir vu, bien plus tôt dans sa vie, quelque-chose qu’il n’aurait jamais dû voir. D’avoir survécu à la catastrophe, et à l’anéantissement. Isaac, dans la Torah, c’est la figure du survivant par excellence, celui qui a vu l’irreprésentable, l’irracontable et dont le regard et le cœur sont à jamais différents.

Avec ses yeux obscurcis et avec son cœur brisé, Marceline a non seulement su vivre, mais elle a su voir, montrer, filmer, raconter et aimer. Et sur ce chemin brisé, elle nous a guidé comme personne.

Avant de passer la parole à des proches, à de amis, j’aimerais conclure et dire un mot sur son amitié avec Simone Veil. Bien sûr, beaucoup de choses ont été dites sur le lien si particulier qui les unissait. Sur cette sororité paradoxale, ces sœurs de camp et de destin.
Mais je crois qu’au-delà de ça, pour beaucoup de femmes, Simone et Marceline ont raconté et incarné à elles deux quelque chose du destin féminin.
Simone et Marceline, comme deux visages de ce qu’une femme rêve d’être : le visage de l’engagement et du devoir, le visage de la passion et de la liberté. Et la façon dont elles ont su placer en miroir ces deux visages.

Simone dans son combat a offert aux femmes la liberté.
Et Marceline dans sa liberté nous a appris à combattre… et rappelle à notre génération son devoir de poursuivre et d’inventer.

Dans ma toute dernière conversation avec Marceline, elle m’a raconté que, plongée dans le coma, il y a quelques semaines, elle s’est retrouvée aux portes de la mort. Et alors, m’a-t-elle dit, « Figure-toi que Simone était là, et elle m’a pris la main et m’a raccompagné du côté des vivants ».

Cette fois-ci, Simone l’a gardé près d’elle, et la guide.
Je veux croire qu’en cet instant, tandis que, selon la tradition, s’ouvrent les portes du ciel, elles sont encore un peu là pour nous entendre leur dire merci, merci à ces « filles de Birkenau » qui nous ont appris à vivre.

Que la mémoire de Marceline soit pour nous tous une bénédiction et que son âme et son souvenir soient liés à tout jamais au fil de nos existences.

Marceline Loridan-Ivens dans le studio du photographe Antoine Schneck à Paris, le 2 mars 2017. Photo: © Antoine Strobel-Dahan