Loi de 1905 : le gouvernement veut la «conforter dans le monde de 2018» selon Castaner

Loi de 1905 : le gouvernement veut la «conforter dans le monde de 2018» selon Castaner

Récit

Loi de 1905 : le gouvernement veut la «conforter dans le monde de 2018» selon Castaner

Par Bernadette Sauvaget — 9 décembre 2018 à 21:07

Christophe Castaner, à Paris mercredi.Photo Ludovic Marin. AFP

Devant les responsables du culte musulman, le ministre de l’Intérieur confirme les projets du gouvernement au sujet de la loi de 1905 et ses priorités pour l’islam de France.

  • Loi de 1905 : le gouvernement veut la «conforter dans le monde de 2018» selon Castaner

Il ne s’agit pas de modifier mais de «conforter». Après un samedi consacré à la crise des gilets jaunes, Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, était, dimanche après-midi, en opération de déminage devant le Conseil français du culte musulman (CFCM), réuni en congrès à l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris. Confirmant l’intention du gouvernement de procéder à des changements dans la loi de 1905, Castaner a précisé qu’il ne s’agissait pas «de porter atteinte aux principes de la loi de séparation», ni de «remettre en cause le régime de laïcité qu’elle définit» mais de «la conforter dans le monde de 2018». Le gouvernement, selon le ministre de l’Intérieur, estime que les règles posées par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat «ne sont pas aujourd’hui, suffisamment respectées». Ce constat concerne particulièrement le culte musulman.

«Vigilance»

Devant les 300 responsables musulmans réunis à l’IMA, Christophe Castaner a réaffirmé les priorités du gouvernement à l’égard de l’islam de France. Ce dernier a «vocation, comme tous les autres cultes, à être solidement ancré dans la République, dans ses valeurs et dans ses lois, à être en un mot pleinement français.» a-t-il dit. Pour ce faire, l’islam de France doit être «libéré des tutelles et des querelles de pouvoir». Le ministre de l’Intérieur a insisté sur la lutte contre la radicalisation, au-delà même du problème du terrorisme, concernant des mouvements prônant le séparatisme avec les valeurs républicaines, visant sans le nommer le salafisme. «La parole religieuse a une autorité particulière, et à ce titre, il n’est pas illégitime qu’elle fasse l’objet d’une vigilance particulière», a affirmé Christophe Castaner. Le gouvernement souhaite, de fait, rénover les dispositions qui concernent la police des cultes.

Pour aboutir aux objectifs d’autonomie et de transparence de l’islam de France, le gouvernement souhaite prioritairement que les associations gestionnaires de lieux de culte musulmans, passent sous le statut de la loi de 1905. Ce n’est pas le cas aujourd’hui car elles ont préféré celui de 1901. Chez les premiers concernés, il n’y a pas unanimité. Ahmet Ogras, le président du CFCM, exprime lui-même des réserves, affirmant «redouter un retour en arrière inspiré par une vision sécuritaire du culte. Or le culte musulman n’est pas un danger pour la France».

Une réflexion pour évoluer

Sur sa route, le ministre de l’Intérieur a déjà un adversaire de taille: le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, proche de l’Algérie. «On ne peut nous contraindre à changer», a-t-il déclaré, lors de son discours à l’IMA. «La loi de 1905 circonscrirait l’activité des mosquées au cultuel. Or, c’est la nature de l’islam d’être à la fois un culte, une culture, une réalité humaine et une civilisation remarquable», a insisté le recteur Boubakeur. Déjà très peu en cour auprès du président Emmanuel Macron, il s’oppose fermement à une régulation des financements étrangers au sein de l’islam de France. «Seule importe une gestion libre et autonome», a-t-il lancé.

Au cours de ce congrès, les contours de la future réforme du CFCM ont commencé à se dessiner. Très controversée, l’instance représentative a entamé une réflexion pour évoluer. Il y a urgence car des élections doivent avoir lieu en juin 2019 pour renouveler ses structures. Afin d’être mieux ancré sur le terrain, le CFCM devrait mettre en place des conseils départementaux, une revendication apparue cet été lors des assises territoriales de l’islam de France organisées par le ministère de l’Intérieur. Parmi les autres changements majeurs envisagés, le CFCM veut faire une place plus conséquente aux femmes, très investies sur le terrain. Ainsi l’actuel vice-président Anouar Kbibech suggère qu’un quota de 20% des sièges leur soit réservé. Pour finir, le débat est également ouvert sur la mise en place d’une redevance sur le halal. Le CFCM a créé, cet été, une association nationale cultuelle, chargé de sa mise en place. «C’est l’un des piliers de la réforme du CFCM», a appuyé Ahmet Ogras. Mais cela ne fait pas l’unanimité. Une guerre de générations se profile. Le consultant financier Hakim El Karoui, que l’on dit très écouté à l’Elysée, a lui-même lancé son propre dispositif. Sans être cité nommément, il a été la cible de nombreuses critiques à l’IMA…

Bernadette Sauvaget