Juifs américains : la marche vers le suicide ? 

L’élément tragique de l’homme moderne, ce n’est pas qu’il ignore le sens de la vie, c’est que cela le dérange de moins en moins (Vaclav Havel)

 

Juifs américains : la marche vers le suicide ? 

Par Guy Millière 

 

Etant en déplacement pour des conférences en Europe et en Israël, je n’avais pu encore commenter le vote des Juifs américains lors des élections de mi-mandat. Ce vote a été conforme à ce qu’est le vote juif depuis des décennies, et le moins que l’on puisse dire, vraiment le moins, est que c’est un vote absolument consternant.

 

Un peu plus de soixante-quinze pour cent des Juifs américains ont voté pour les candidats du parti Démocrate. Le fait que ce parti ne soit plus du tout ce qu’il était il y a encore vingt ans n’a pas compté, et le fait qu’il soit devenu un parti islamo-gauchiste, très ouvert à des candidats islamistes, “propalestiniens”, antisémites, soutiens résolus du mouvement BDS n’a pas compté non plus.

 

Que des Juifs puissent voter pour un parti qui soutient les ennemis des Juifs et les ennemis d’Israël est difficile à comprendre, et pour moi, difficile à expliquer. On peut y voir ce que Norman Podhoretz a défini voici une décennie dans son remarquable livre Why Jews Are Liberal [Pourquoi les Juifs sont Libéraux (Démocrates)]. Et constater avec Podhoretz que soixante-quinze pour cent des Juifs américains ont changé de religion et, tout en se disant Juifs, ont quitté le judaïsme pour rejoindre le gauchisme. Ce qu’a écrit Norman Podhoretz reste pertinent, mais tout de même !

 

Soutenir encore un parti qui a fait élire une islamiste antisémite voilée portant le hidjab et une islamiste “palestinienne” partisane de la destruction d’Israël me semble outrepasser toutes les limites.

 

“Juifs contre Trump et Bibi”

 

Voter pour un parti qui compte nombre de sympathisants et d’amis de Louis Farrakhan, un admirateur d’Hitler qui regrette que ce dernier n’ait pu “finir le travail d’élimination des Juifs”, me semble dépasser toutes les limites davantage encore.

 

Si on analyse le vote juif dans certaines circonscriptions où les résultats se sont joués à peu de chose, on peut, hélas, considérer que ce vote a fait basculer des circonscriptions dans l’escarcelle Démocrate et a contribué à priver le parti Républicain des sièges nécessaires à la préservation d’une majorité à la Chambre des Représentants. Il faut que le parti Républicain soit imprégné d’un profond philosémitisme pour ne pas en tirer quelque animosité. Ce, d’autant plus que les dirigeants Démocrates les plus virulents aujourd’hui, de Bernie Sanders à Chuck Schumer, de Dianne Feinstein à Adam Schiff et Richard Blumenthal, sont presque tous juifs.

 

Des rabbins avaient vu dans l’élection de Donald Trump en 2016 un jour de deuil, et le fait qu’il soit le premier Président à avoir une famille juive, qu’il ait prononcé les paroles de condamnation de l’antisémitisme les plus fortes à avoir jamais été prononcées par un Président des Etats-Unis depuis la révolution américaine il y a deux siècles et demi, le fait qu’il soit le plus grand ami d’Israël à avoir jamais occupé la Maison Blanche, le fait qu’il ait reconnu Jérusalem capitale d’Israël et y ait placé l’ambassade des Etats-Unis, ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait eu le courage de faire, n’y ont strictement rien changé depuis.

 

On a même vu dans des publications juives de gauche des textes délirants disant que Donald Trump avait placé l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem pour faire monter l’antisémitisme aux Etats-Unis, ce qui le rendait directement responsable de l’atroce tuerie de Pittsburgh, et pour attiser la haine d’Israël dans le monde arabe.

 

Ces mêmes publications, il est vrai, incluent des textes dans lesquels des Juifs américains, tel Peter Berman, soutiennent le mouvement BDS au nom du fait qu’Israël devrait revenir immédiatement aux “frontières” de 1967, démanteler toutes les “colonies” en territoire palestinien et reconnaitre sans tarder un “Etat Palestinien” confié aux dirigeants de l’Autorité Palestinienne. Ces gens-là se disent amis d’Israël, et si Israël n’avait que des amis comme ceux-là, Israël n’aurait guère d’avenir.

 

Il y a dans ce que je viens de décrire plusieurs tragédies en cours. L’une d’elle est la disparition d’un soutien bipartisan à Israël aux Etats-Unis : le parti Républicain est désormais le parti pro-israélien aux Etats-Unis, et le parti Démocrate est un parti anti-israélien, incluant des ennemis résolus d’Israël et des amis d’Israël aux allures d’ennemis. Si le parti Démocrate revient au pouvoir, des jours difficiles pour Israël s’annonceront.

 

La deuxième tragédie est la difficulté accrue de mener le combat contre l’antisémitisme aux Etats-Unis : en accusant sans cesse Trump et les Républicains d’être antisémites alors qu’ils ne le sont pas, et en s’en prenant sans cesse à un antisémitisme de droite, moribond, tout en s’aveuglant sur l’antisémitisme qui monte en puissance aux Etats-Unis comme ailleurs dans le monde occidental, l’antisémitisme islamo-gauchiste, les Juifs américains ne rendent pas du tout un service au combat contre l’antisémitisme. Des organisations juives de gauche américaines font même preuve d’un soutien à l’immigration musulmane aux Etats-Unis, ce qui peut susciter une animosité antijuive chez des esprits faibles : le tueur de Pittsburgh faisait, hélas, partie de ces esprits faibles et, outre ses critiques virulentes du philosémitisme de Donald Trump, reprochait aux Juifs américains un soutien à l’immigration incontrôlée, et en particulier à l’immigration musulmane.

 

La troisième tragédie est le fait que des Juifs américains contribuent aux critiques  d’Israël émises à l’échelle internationale et apportent de l’eau au moulin des contempteurs européens d’Israël, ce qui fait qu’ils permettent aux anti-israéliens en Europe de dire que “la plus importante communauté juive du monde en dehors d’Israël est très critique au sujet d’Israël”.

 

La quatrième tragédie est la disparition programmée de la plus large part de la communauté juive américaine : le fait qu’un nombre croissant de Juifs américains ne sont plus juifs, comme l’a écrit Norman Podhoretz, fait qu’ils ne sont plus juifs que du bout des lèvres, qu’ils s’assimilent au courant de gauche de la population américaine dans son ensemble et perdent peu à peu leurs liens au judaïsme.

 

Il restera heureusement les vingt-cinq pour cent de Juifs qui demeurent fidèles au judaïsme et qui n’ont pas perdu la foi et la raison. Ils sont ceux par qui le judaïsme survivra aux Etats-Unis, ceux qui font que les Etats Unis resteront le seul pays véritablement judéo-chrétien du monde occidental, ceux par qui l’enracinement du judaïsme dans la société américaine, enracinement que j’explique dans mon livre Le pays presque élu, ne disparaîtra pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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