Mémorial de la Shoah – Georges Bensoussan : O tempora, O mores

La haine contre Georges Bensoussan conduira-t-elle certains dirigeants du Mémorial de la Shoah à franchir les limites de la légalité ?

On peut le craindre, avec une nouvelle annonce ce vendredi -l’approche du Shabbat, symbole de paix dans le Judaïsme, paraissant au contraire susciter un regain d’animosité chez certains.

Au-delà d’un ego surdimensionné qui les aveugle au point qu’ils osent carrément s’identifier à une institution qui n’appartient qu’aux ombres des disparus de La Nuit(Elie Wiesel), ces personnes en sont arrivées à se croire au-dessus des lois.

On ne peut en effet interpréter autrement un comportement qui consiste à s’affranchir d’engagements pris et reniés. Après avoir considéré que celui de maintenir Georges Bensoussan dans ses fonctions de Directeur éditorial après sa retraite de l’Education Nationale n’était qu’un « engagement moral » c’est-à-dire sans portée juridique alors même qu’un contrat n’a besoin pour sa validité d’être écrit que dans les cas limitativement prévus par la loi, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, voilà qu’il est annoncé par le Directeur du Mémorial qu’il a décidé de ne pas tenir un autre engagement, constaté par écrit cette fois : celui de laisser à Georges Bensoussan la libre disposition, et donc l’accès, à son bureau jusqu’à la mi-septembre prochain. Il lui est fait interdiction d’y revenir, avec cette précision – d’une rare élégance – que ses effets personnels lui seront apportés. Ce qui signifie qu’il sera pénétré, pour ce faire, dans ledit bureau. Sans aucune autorisation – par hypothèse – de l’intéressé.

Il est permis de douter fortement de la légalité de tels agissements, en particulier au regard de l’article 226-4 du Code pénal. Et de s’interroger en conséquence sur la légitimité de certains « notables » de continuer à diriger une institution qui dispense des formations à des magistrats, policiers et des enseignants, tout en méprisant les décisions de Justice et les règles légales.

Au-delà des Juifs, et de leur souci de ne pas laisser la mémoire de la Shoah être instrumentalisée par la préservation d’intérêts personnels, la question intéresse l’ensemble de la communauté nationale. Des dons bénéficiant de déductions fiscales, c’est-à-dire des fonds publics, alimentent le Mémorial, et celui-ci forme des personnels de l’État : il est donc indispensable qu’aucun soupçon n’entache la respectabilité de ses dirigeants – la simple appartenance à un cercle de « notables » ne pouvant servir de gage tant il est vrai que « la naissance n’est rien où la vertu n’est pas » (Molière, Don Juan).

Et pas seulement la communauté nationale, du reste : via la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, ce sont en effet les fonds alloués au titre des réparations des crimes nazis qui financent en grande partie le Mémorial. Celui-ci est donc comptable envers l’Humanité de l’honorabilité de ses dirigeants – pas celle de leurs noms (« on compte ses ancêtres quand on ne peut compter sur soi », disait Chateaubriand), mais celle de leurs comportements.

La question est désormais ouverte : les mêmes qui ont estimé Georges Bensoussan indigne de continuer ses fonctions au sein du Mémorial parce qu’il avait tenu des propos dont la Justice a pourtant écarté tout caractère répréhensible peuvent-ils continuer pour leur part à diriger cette institution alors qu’ils jouent avec les règles légales, voire les ignorent délibérément, quand elles entravent leurs actions vindicatives personnelles ?

Par Danielle Khayat, Magistrat en retraite

 

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