L’illusion d’une communauté juive, par Jacques Tarnero, Eliette Abecassis, Barbara Lefebvre

L’illusion d’une communauté juive, par Jacques Tarnero, Eliette Abecassis, Barbara Lefebvre

Posté le 12 juin 2018 par admin — 4 commentaires ↓

Le premier procès fait à Georges Bensoussan pour incitation à la haine raciale constituait déjà une première ignominie. Avoir fait asseoir Georges Bensoussan sur le même banc de prévenu que Alain Soral ou Dieudonné ou encore Henri de Lesquen était déjà une première infamie symbolique.

Qu’il fut initié par une association islamiste déguisée en mouvement antiraciste ne pouvait guère surprendre de la part d’un groupe dont la profession de foi consiste à utiliser les moyens de la justice existant dans une démocratie, pour mieux mettre au pas toute expression libre et toute parole critique.

Pourtant certaines associations s’y sont laissées prendre et ce fut une autre et désolante surprise de retrouver parmi les parties plaignantes la Ligue des droits de l’homme, SOS Racisme, et la LICRA. Incapables de comprendre l’enjeu, myopes devant la réalité de l’offensive, voilà que les héritiers des défenseurs du capitaine Dreyfus, de Victor Basch, emboîtaient le pas du fascisme islamiste.

Que ces associations soient tombées dans ce panneau de la « lutte contre l’islamophobie » constituait le deuxième niveau de sottise.

Que l’Etat, en première instance, à travers sa procureur ait alimenté la charge contre Georges Bensoussan à travers une plaidoirie aussi erronée que pédante parachevait la dimension grotesque de ce procès. « Georges Bensoussan a fait un passage à l’acte dans le champ lexical !» devait dénoncer cette docte procureur. N’est pas Roland Barthes qui veut.

Il y eut aussi cette témoin à charge contre Georges Bensoussan déclarant que lorsqu’on dit « espèce de juif » en arabe, ce n’est pas une insulte mais une habitude de langage, sinon une habitude de pensée.

Heureusement le tribunal ne fut pas dupe et en première instance comme en appel, les plaignants furent déboutés de leurs plaintes et Bensoussan a été relaxé.

Cependant l’affaire ne s’arrête pas la. Il y a une autre affaire à l’intérieur de la première et elle est bien plus grave, symboliquement et politiquement plus grave.

Que des islamistes n’aient pas supporté qu’un historien rapporte des vérités gênantes sur les sources de l’antisémitisme dans l’espace arabo musulman, peut se comprendre. Ils sont dans leur rôle. Que certains n’aient rien compris à la stratégie du néo antisémitisme grimée dans les habits de l’antiracisme, peut aussi (difficilement) se comprendre. Pourtant depuis la conférence de Durban en 2001 c’est au nom de l’antiracisme que s’exprime la haine antijuive.

En revanche,  le scandale dans le scandale réside dans l’attitude du Mémorial de la Shoah, employeur de Georges Bensoussan.

Que cette institution centrale au sein des institutions juives, que cette institution symboliquement centrale au sein du judaïsme français et qui s’est donnée pour mission la lutte contre l’antisémitisme, non seulement n’ait pas soutenu Georges Bensoussan au cours des deux procès qu’il a eu à subir, mais, bien pire, lui ait fait reproche de ses propos sur l’antisémitisme arabo islamique, est un scandale bien plus grave que la manœuvre du CCIF.

Aujourd’hui, d’une manière aussi mesquine que médiocre, au prétexte fallacieux d’une retraite qu’il serait poussé à prendre, Georges Bensoussan est écarté de ses fonctions au Mémorial. Des pressions exercées sur le site Akadem, invraisemblables dans un Etat démocratique, ont exigé le 1° juin dernier la censure de la vidéo d’un entretien de Georges Bensoussan avec Antoine Mercier. D’autres pressions ont été exercées ailleurs pour qu’il ne puisse pas s’exprimer. Des calomnies ont été émises à son endroit : « il aurait été content de ces procès par souci de notoriété, il aurait agi pour gagner de l’argent, il serait un sépharade complexé puisqu’il a utilisé un pseudonyme ashkénaze ». Ces propos ont été tenus.

Au sein d’autres institutions, la vérité ne doit pas être connue. Bensoussan n’y est plus persona grata.

Le comportement des dirigeants du Mémorial n’est pas seulement incompréhensible, il est déplorable. Faute d’avoir fait le moindre effort intellectuel pour comprendre l’enjeu des travaux de Georges Bensoussan qui mettait en lumière les sources culturelles du terrorisme qui tué en France  16 personnes de confession juive depuis 2003, pour la seule raison qu’elles étaient juives. Les dirigeants du Mémorial auraient pu ne pas se coucher devant les vents dominants du conformisme intellectuel. Ils auraient pu ne pas s’inscrire dans le déni idéologique de la réalité qui constitue, hélas, la marque du temps présent.

Par conformisme, par inintelligence, un leadership juif croit trouver sa légitimité dans sa position sociale. Bien plus, il croit conforter son statut social par cet ajout symbolique qui prétend lutter contre ce qui nous menace tous, en tant que Juifs et en tant que citoyens français.

Le Mémorial est une institution unique en France et en Europe. Son action est essentielle. La Revue d’histoire de la Shoah est unique en Europe. Elle est l’outil de rappel, d’études, non seulement d’histoire de la destruction des Juifs d’Europe, bien plus elle a élargi le champ de ses travaux aux autres grandes tragédies du siècle passé : le génocide arménien, celui du Rwanda, celui du Cambodge. L’extension du domaine de la recherche sur l’antisémitisme en a fait un pôle d’excellence sur ces questions, hélas si actuelles. Sous le pilotage de Bensoussan elle est devenue LA revue de référence sur ces questions. Il a été signifié à Bensoussan qu’il était désormais déchargé de cette responsabilité.

Le Mémorial est un lieu symbole autant qu’une structure de recherche et d’éducation. Lieu de mémoire, il organise des rituels commémoratifs qui pour être absolument indispensables ne sauraient suffirent. Si le succès de la politique éducative du Mémorial doit être mesuré aux nombres de classes parties visiter les camps d’extermination, ce critère d’évaluation devrait être soumis à la critique et à la réflexion. Penser que l’on fait aujourd’hui, reculer l’antisémitisme dans les territoires perdus de la République, par le seul enseignement de la Shoah constitue une importante erreur de jugement autant qu’un socle éducatif erroné parce que partiel. La caractéristique du nouvel antisémitisme c’est que bien au contraire il s’énonce avec les mots de l’antiracisme et de l’anti fascisme. Bien pire on attribue à Israël des pratiques nazies. Le sigle = est apposé entre la svastika et l’étoile juive. Nous le savons bien, les larmes sur la Shoah accompagnent trop souvent le venin contre le sionisme. Elles constituent au contraire l’alibi de cette haine. Pour reprendre les mots du Président de la République, « l’antisionisme est bien devenu la forme renouvelée de l’antisémitisme ». Le Mémorial doit penser que l’antisémitisme a muté et c’est bien la raison pour laquelle les islamistes ont cherché à faire taire Bensoussan en disqualifiant ses travaux. Il y a bien des objectifs éducatifs et une pédagogie nouvelle qui devraient être recherchés. Couper les têtes de ceux qui justement ont le courage de penser la complexité du temps présent n’est ni digne ni judicieux.

Le Mémorial fonctionne par la subvention que lui verse la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, c’est à dire l’argent des Juifs morts, déportés et assassinés. Cet argent, ce budget, il en est le dépositaire, le gardien soucieux de son meilleur usage.

L’excellence du Mémorial ne saurait se soumettre ni à des intérêts vaniteux, ni à la médiocrité de mesquineries bureaucratiques : il y a mieux à faire aujourd’hui.

Dans le moment présent, sur cette affaire, en congédiant sournoisement Georges Bensoussan, la direction du Mémorial n’a pas seulement fait un contresens intellectuel : elle a commis une faute morale.

Sauf à reconnaître que c’est l’islamisme et le nouvel antisémitisme qui au bout du compte ont réussi à imposer leur agenda. Et qu’ils auraient déjà gagné ?

Ce qui est en jeu c’est l’avenir de cette supposée « communauté juive ».

Elle peut encore se ressaisir.

Jacques Tarnero, Eliette Abecassis, Barbara Lefèvre

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