Publié le 26/03/2018 à 19h01 FIGAROVOX/TRIBUNE – Barbara Lefebvre salue l’amour du gendarme pour sa patrie, ce même patriotisme qui est chanté avec exaltation dans les couplets de la Marseillaise. Mais l’enseignante déplore que ce sens de la patrie soit si peu transmis aux jeunes générations, qui ne connaissent même plus l’hymne national.

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Monique

 

Arnaud Beltrame, enfant de la patrie

 

Par Barbara Lefebvre 
Publié le 26/03/2018 à 19h01

FIGAROVOX/TRIBUNE – Barbara Lefebvre salue l’amour du gendarme pour sa patrie, ce même patriotisme qui est chanté avec exaltation dans les couplets de la Marseillaise. Mais l’enseignante déplore que ce sens de la patrie soit si peu transmis aux jeunes générations, qui ne connaissent même plus l’hymne national.

Barbara Lefebvre est enseignante. Elle est co-auteur des Territoires perdus de la République (2002, rééd. Pluriel 2017) et vient de publier Génération «J’ai le droit» (éd. Albin Michel, 2018).

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Personne ne peut dire quelles furent les pensées du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame durant les heures passées avec son meurtrier, mais chacun d’entre nous est habité par cette certitude énoncée, avec autant de pudeur que de confiance, par sa maman: «il était né pour défendre sa patrie». Patrie. L’expression peut paraître désuète. Le mot n’est d’ailleurs presque plus présent dans le discours public. C’est pourtant ce mot qui répond à l’élan du colonel Beltrame, élan qui ne s’apparente en rien à un sacrifice ni à une aspiration au martyre: il servait sa patrie c’est-à-dire «le pays de ses pères». Pas uniquement ses pères de sang, il s’agit bien entendu d’une tout autre filiation, celle que nos aînés portaient avec fierté: ils étaient «les enfants de la patrie». Ce lien indicible, presque inconscient, qui ne se réveille qu’en cas d’affront ou d’exaltation collective, habite tous ceux, Français de longue date ou non, qui ont été élevés par leurs parents et leurs enseignants dans l’amour de la patrie. Si cette éducation familiale existe encore dans de nombreux foyers, en toute discrétion, presque en catimini, beaucoup de familles apprennent aussi à leurs enfants à haïr la France, leur pays de naissance mais pas de cœur.

Ils sont aidés par l’école publique où la doxa du «vivre-ensemble» universel et du «tout se vaut» (ayant pour corollaire le «rien ne vaut rien») a expulsé le patriotisme, relégué au rang des sentiments nauséabonds. On aura tout écrasé, tout déraciné, à commencer par l’enseignement de l’histoire réduit à l’analyse scrupuleuse des «pages sombres» quand on réserve le zapping des «pédagogies actives» pour les autres thèmes historiques. À l’école aujourd’hui, on continue de se gargariser du prêchi-prêcha droits de l’hommiste, de la tolérance diversitaire, du multiculturalisme béat, qui obligent à taire toutes les aspérités de la pensée et interdisent de facto l’exercice d’une intelligence critique du monde, ce qui est pourtant la mission culturelle de l’école. C’est pourquoi le déracinement culturel, historique autant que littéraire, a été scrupuleusement organisé depuis plus de cinquante ans par les «rénovateurs progressistes» qui ont édicté après la guerre que la patrie, c’est le Mal. D’où le projet européen. Évidemment toutes les nations n’étaient pas également dénoncées dans leur raison d’être. Ainsi, les pays nés de la décolonisation avaient non seulement le droit mais le devoir d’être fiers d’être des nations…

Après 1945, les nations européennes, comme la France, n’avaient plus ce droit. Il a fallu les déconstruire. Pour construire quoi? En France, hormis les mythologies gaulliste et communiste dont il ne reste plus que de piteux oripeaux, nous y sommes depuis trente ans: c’est le triomphe du Rien. L’ignorance et l’autodénigrement étant les conditions essentielles à l’expansion du système capitaliste postmoderne, à savoir la société de consommation à outrance et l’essor de loisirs aussi abrutissants que possible. Ce qui est signifiant c’est que cette œuvre de destruction, nous la devons quasi exclusivement au gauchisme culturel qui a conquis aussi les «esprits» de la droite politique, qui usent aussi depuis quatre décennies des mots-valises du politiquement correct. Il n’est qu’à écouter tous les ministres de l’Éducation nationale, de droite, de gauche et du centre pour s’en rendre compte: pas un qui n’utilise la novlangue pédago postmoderne. Certains avec aisance, d’autres avec une pointe de mépris, mais ils y sont tous condamnés par le poids idéologique qu’a fait peser sur l’institution scolaire le parti des déracineurs.

L’ignorance et l’autodénigrement sont les conditions essentielles à l’expansion du système capitaliste postmoderne.

Lors de l’hommage national au gendarme Arnaud Beltrame, peut-on espérer que la Marseillaise sera intégralement chantée et non pas seulement jouée dans sa version instrumentale comme c’est trop souvent l’usage? Cet évitement est également visible à l’école où seuls quelques couplets bien choisis sont étudiés, et sans trop s’attarder. Des faits de bien plus grande importance aux yeux des idéologues ayant rédigé nos programmes attendent les «apprenants»: par exemple, la vie des femmes sous la Révolution ou l’exaltation quasi internationaliste du sans-culotte parisien, icône d’une saine rébellion! Pourtant l’intégralité des paroles de l’hymne national rédigé en avril 1792 devrait être connue. Ces mots traduisent probablement au plus près ce qui a motivé le comportement héroïque du lieutenant-colonel Beltrame, tout autant que ce sentiment de colère qui nous anime, nous les «enfants de la patrie». Soyons attentifs: seul le mot patrie est évoqué dans notre hymne, pas de nation, pas même le nom de France. Est-ce pourquoi il est si peu chanté?

«S’ils tombent nos jeunes héros, la terre en produit de nouveaux contre vous prêts à se battre». C’est bien dans la terre de la patrie que s’inscrit cet appel à la résistance contre «ces phalanges mercenaires [qui] terrasseraient nos fiers guerriers» si nous ne résistions pas. Et on ne résiste ni avec des peluches, ni avec des pancartes «Peace and love». Arnaud Beltrame est bien un de nos fiers guerriers, quand son assassin appartient à ces «cohortes étrangères [qui] feraient la loi dans nos foyers» s’il n’avait pas été là, lui et tant de ses frères d’armes, français de longue ascendance ou nouveaux venus, en charge de nous protéger et qui travaillent dans des conditions parfois indignes. Notre hymne nous enjoint tous à cette résistance, à refuser de voir «nos fronts sous le joug [qui] se ploieraient». La Marseillaise parle de «mains enchaînées» mais ce sont nos langues et nos plumes qui sont enchaînées aujourd’hui par l’interdit d’une critique de l’idéologie religieuse qui nous porte ces coups. Adossées à une vaste littérature religieuse et politique qui remonte très loin dans l’histoire, cette haine de l’Autre, cette haine du juif et du chrétien, cette conception de la femme comme matrice-objet, ne sont pas que des concepts, ce sont des conditions pour l’action. Qu’il s’agisse de tirer à bout portant sur une fillette juive, d’égorger un gendarme ou de massacrer une femme juive pour ensuite la défenestrer, tout cela n’a rien de fou ou d’incompréhensible. Ceux qui osent encore s’interroger à la télé sur les «motivations» des terroristes islamiques sont soit des ignares qui devraient avoir la décence de se taire, soit des porte-couvercle qui croient encore pouvoir éviter le débordement de la marmite.

Si donc, il est encore possible aux Français, malgré le soigneux travail de sape opéré à l’Éducation nationale depuis les années 1980, d’éprouver cet «amour sacré de la patrie» qui puisse conduire et soutenir «nos bras vengeurs», c’est bien au nom de la liberté une fois encore que nous tous devons «combattre avec [ses] défenseurs». Il n’y a pas mille indices pour savoir où nous en sommes en tant que peuple: avons-nous encore la chair de poule en écoutant chanter le couplet «Sous nos drapeaux, que la victoire accoure à tes mâles accents, que tes ennemis expirant voient ton triomphe et notre gloire!». À voir le visage fier d’Arnaud Beltrame sur les photographies tenant le drapeau tricolore, on peut imaginer que lui avait encore cette capacité à ressentir l’ «amour sacré de la patrie».

 

Barbara LEFEBVRE